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1 octobre 2007

L'AUTOMNE en POÉSIE - sommaire des textes

En plus des haïkus d'automne, qui sont ici : HAÏKUS - poésies des saisons
vous trouverez sur ce thème les textes ci-dessous par ordre alphabétique d'auteurs (mise à jour permanente)

SOMMAIRE

en déroulant cette même page :

  • Guillaume Apollinaire - Automne / Automne malade
  • Charles Baudelaire - Chant d'automne
  • Michel Beau - Jour pluvieux d'automne
  • Marguerite Brunat-Provins - Sur l'arbre rouge 
  • Marie-Magdeleine Carbet - L'acacia
  • Francis Carco -  Un arbre
  • Maurice Carême - L'écureuil et la feuille / Gare isolée / Étranges fleurs
  • Pernette Chaponnière - Les feuilles mortes / L'hirondelle
  • Anne-Marie Chapouton - Il pleut

à la page 2 (cliquez ICI pour accès direct):

  • Pierre Coran - Automne
  • Alain Debroise - Villanelle
  • Lucie Delarue-Mardrus - L'automne / Les feuilles tombent
  • Luce Fillol - Feuille rousse, feuille folle
  • Isabelle Jaccard -  Feuilles d'automne
  • Rémy de Gourmont - Les feuilles mortes
  • Fernand Gregh - Silence d'automne 
  • Georges Jean - L'automne
  • Tristan Klingsor - Le rouge-gorge
  • Alphonse de Lamartine - L'automne / Rêve d'automne

à la page 3 (cliquez ICI pour accès direct):

  • Philéas Lebesgue - La pomme
  • Michel Luneau - Une hirondelle en automne / À vol d'oiseau / Le lapin de septembre
  • Raïssa Maritain / Automne
  • Pierre Menanteau - Le vent d'automne
  • Jean Moréas - La feuille des forêts / autre passage des "Syrtes"
  • Jean-Luc Moreau - Septembre
  • Anna de Noailles - Automne / Les saisons et l'amour
  • Géo Norge / Petite pomme
  • Albert Pestour - Novembre
  • Henri Philibert / Automne

à la page 4 (cliquez ICI pour accès direct):

  • Jacques Prévert - Chanson des escargots qui vont à l'enterrement
  • Henri de Régnier - Soir d'automne
  • Raymond Richard - Le bel automne est revenu / Trois feuilles mortes
  • Claude Roy - Météorologie
  • Albert Samain - Mélancolie
  • Samivel - Quand automne en saison revient
  • Charlotte Serre - La feuille d'automne
  • Alain Serres - La graine
  • Émile Verhaeren - Automne / Le vent de novembre
  • Paul Verlaine - Chanson d'automne

à la page 5 (cliquez ICI pour accès direct):

  • Francis Vielé-Griffin - L'automne / Feuilles d'automne
  • Francis Yard - La danseuse aux mille pieds


 

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2 juin 2007

À l'école avec Jules Supervielle

Jules Supervielle (1884-1960), poète partagé entre la Pampa uruguayenne où il est né, et la France, est resté à l'écart du grand mouvement surréaliste, pour une poésie du quotidien mystérieux.

Mathématiques

Quarante enfants dans une salle,
Un tableau noir et son triangle,
Un grand cercle hésitant et sourd
Son centre bat comme un tambour.

Des lettres sans mots ni patrie
Dans une attente endolorie.

Le parapet dur d'un trapèze,
Une voix s'élève et s'apaise,
Et le problème furieux
Se tortille et se mord la queue.

La mâchoire d'un angle s'ouvre.
Est-ce une chienne ? Est-ce une louve ?

Et tous les chiffres de la terre,
Tous ces insectes qui défont
Et qui refont leur fourmilière
Sous les yeux fixes des garçons*.

Jules Supervielle ("Gravitations" - 1925). *L'école de Supervielle n'était pas encore mixte.

1 octobre 2007

L'automne de Jacques Prévert

Un texte de Jacques Prévert sur l'automne (On retrouvera Prévert ailleurs sur ce blog).

Chanson des escargots qui vont à l'enterrement

À l'enterrement d'une feuille morte
Deux escargots s'en vont
Ils ont la coquille noire
Du crêpe autour des cornes
Ils s'en vont dans le soir
Un très beau soir d'automne
Hélas quand ils arrivent
C'est déjà le printemps
Les feuilles qui étaient mortes
Sont toutes ressuscitées
Et les deux escargots
Sont très désappointés
Mais voilà le soleil
Le soleil qui leur dit
Prenez prenez la peine
La peine de vous asseoir
Prenez un verre de bière
Si le coeur vous en dit
Prenez si ça vous plaît
L'autocar pour Paris
Il partira ce soir
Vous verrez du pays
Mais ne prenez pas le deuil
C'est moi qui vous le dit
Ça noircit le blanc de l'oeil
Et puis ça enlaidit
Les histoires de cercueils
C'est triste et pas joli
Reprenez vos couleurs
Les couleurs de la vie
Alors toutes les bêtes
Les arbres et les plantes
Se mettent à chanter
À chanter à tue-tête
La vraie chanson vivante
La chanson de l'été
Et tout le monde de boire
Tout le monde de trinquer
C'est un très joli soir
Un joli soir d'été
Et les deux escargots
S'en retournent chez eux
Ils s'en vont très émus
Ils s'en vont très heureux
Comme ils ont beaucoup bu
Ils titubent un petit peu
Mais là-haut dans le ciel
La Lune veille sur eux.

Jacques Prévert ("Paroles") - Respecter la ponctuation originale de ce texte, il n'y a que le point final.


6 juin 2007

L'école de Francis Jammes

Francis Jammes (1868-1938) est l'auteur de "La Prière", poème chanté par Georges Brassens (voir la catégorie BRASSENS chante les poètes) et de "J'aime l'âne si doux" :
"J'aime l'âne si doux / marchant le long des houx. / Il a peur des abeilles /et bouge ses oreilles...
Qualifié parfois de "poète naturaliste", il porte une tendresse particulière à cet animal. Une autre de ses poésies, comme toute son oeuvre empreinte de mysticisme, s'intitule d'ailleurs "Prière pour aller au Paradis avec les ânes".
Ici, il s'agit de l'école :

Souvenirs d'enfance (extrait)

J'allais chez Monsieur Lay l'instituteur.
Mon alphabet était comme des fleurs.
Je me souviens du poêle et de la bûche
Que chaque enfant du village apportait
Lorsque le ciel est une blanche ruche
Et qu'au réveil on dit : "Il a neigé !"
...
J'apprenais donc, mystère après mystère,
Toute la vie. Au champ de la rivière
J'étais certain que, pour varier les fleurs,
Tout simplement, quand on n'était pas là,
L'ange changeait les tiges, les couleurs.
Quel grand savant ne rirait de cela ?
...
Francis Jammes ("De l'angélus de l'aube à l'angélus du soir" - Mercure de France - cité par Pierre Menanteau dans son anthologie : "nouveau trésor de la poésie" - Sudel)


4 juin 2007

(page 3) - À l'école avec Claude Roy

Claude Roy (1915-1997), poète et romancier, a publié ce texte dans le recueil L’étonnement du voyageur 1987-1989 paru chez Gallimard en 1990. Il est l'auteur de nombreuses poésies pour les enfants. Quelques-unes sont présentes sur le blog : L’oiseau voyou - L'escargot matelot - C'est tout un art d'être canard - La clef des champs - Les manières du soleil.

Voici deux autres textes de celui qui a écrit :

"Le poète n’est pas celui qui dit
Je n’y suis pour personne.
Le poète dit
J’y suis pour tout le monde."

Claude Roy - extrait de la poésie "Le Poète" (dans  "Paroles des Poètes d’aujourd’hui")

Quand nous étions enfants (titre proposé)

Quand nous étions enfants, pour que les lignes soient parfaitement droites on nous donnait de beaux cahiers quadrillés.

Quel repos de poser les mots un à un sur leur chemin bien sage tracé droit sur la page. Même si on fait encore des fautes d'orthographe les mots sont là tranquilles assis comme des chats.

Un sujet, un verbe, un complément direct, et le papier réglé beau comme des rails de train.

Plus tard, on écrit sur du papier tout blanc qui ressemble à la vie qu'ont les grandes personnes. Elles sont libres de faire ce qu'elles veulent. Il n'y a pas de ligne pour bien ranger les mots.

Claude Roy  ("L’étonnement du voyageur")


L'enfant qui battait la campagne

Vous me copierez deux cents fois le verbe :
Je n'écoute pas. Je bats la campagne.

Je bats la campagne, tu bats la campagne,
Il bat la campagne à coups de bâton.

La campagne ? Pourquoi la battre ?
Elle ne m'a jamais rien fait.

C'est ma seule amie, la campagne.
Je baye aux corneilles, je cours la campagne.

Il ne faut jamais battre la campagne :
On pourrait casser un nid et ses oeufs.

On pourrait briser un iris, une herbe,
On pourrait fêler le cristal de l'eau.

Je n'écouterai pas la leçon.
Je ne battrai pas la campagne.

Claude Roy ("Enfantasques")

On pourra lire ICI une exploitation pédagogique de ce texte pour la création poétique, dans un CM2.


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7 juin 2007

L'école de Victor Hugo

Victor Hugo [1802-1885)  est un poète trop important pour ne pas être présent ici. Sur quel thème n'a-t-il pas écrit ? On devine déjà son regard d'enfant, poète critique, sur le monde, par les fenêtres de l' école.

Les enfants lisent, troupe blonde

Les enfants lisent, troupe blonde ;
Ils épellent, je les entends ;
Et le maître d'école gronde
Dans la lumière du printemps.

J'aperçois l'école entrouverte ;
Et je rôde au bord des marais ;
Toute la grande saison verte
Frissonne au loin dans les forêts.

Tout rit, tout chante ; c'est la fête
De l'infini que nous voyons ;
La beauté des fleurs semble faite
Avec la candeur des rayons.

J'épelle aussi moi ; je me penche
Sur l'immense livre joyeux ;
Ô champs, quel vers que la pervenche !
Quelle strophe que l'aigle, ô cieux !

Mais, mystère ! rien n'est sans tache.
Rien ! - Qui peut dire par quels noeuds
La végétation rattache
Le lys chaste au chardon hargneux ?

Tandis que là-bas siffle un merle,
La sarcelle, des roseaux plats,
Sort, ayant au bec une perle ;
Cette perle agonise, hélas !

C'est le poisson qui, tout à l'heure,
Poursuivait l'aragne, courant
Sur sa bleue et vague demeure,
Sinistre monde transparent.

Un coup de fusil dans la haie,
Abois d'un chien ; c'est le chasseur.
Et, pensif, je sens une plaie
Parmi toute cette douceur.

Et, sous l'herbe pressant la fange,
Triste passant de ce beau lieu,
Je songe au mal, énigme étrange,
Faute d'orthographe de Dieu.

Victor Hugo ("Les chansons des rues et des bois")

6 juin 2007

L'école de Paul Vincensini

Nous avons déjà présenté Paul Vincensini (1930-1985), ainsi qu'un lien vers le site dédié à cet auteur (colonne de droite) atypique. Quelques unes de ses nombreuses poésies sont présentes sur le blog, par exemple dans POÉSIES pour la CLASSE - CYCLES 2 et 3. Voici son école :

Un enfant veut répondre

Un enfant veut répondre
Il a levé le doigt
Dans une vieille école
Qui n'existe plus.
La neige a fondu sous les bancs
Il fait chaud comme à l'écurie
Et l'instituteur
A souligné tous les verbes à la craie bleue.
L'enfant qui veut répondre
Fait claquer ses doigts
Tachés d'encre violette
Dans la vieille école
Qui n'existe plus.

Paul Vincensini ("Le point mort" - Editions Chambelland - 1969)


11 juin 2007

L'école de Georges Jean

"L'école est fermée", pour retourner en vacances le temps d'un poème de Georges Jean (né en 1920) :

L'école est fermée

Le tableau s'ennuie ;
Et les araignées
Dit-on étudient
La géométrie
Pour améliorer
L'étoile des toiles :
Toiles d'araignées,
Bien évidemment.

L'école est fermée
Les souris s'instruisent,
Les papillons lisent
Les pupitres luisent,
Ainsi que les bancs.

L'école est fermée
Mais si l'on écoute
Au fond du silence,
Les enfants sont là
Qui parlent tout bas
Et dans la lumière,
Des grains de poussière,
Ils revivent toute l'année qui passa,
Et qui s'en alla …

Georges Jean


2 juin 2007

A l'école avec Maurice Carême

Encore Maurice Carême, direz-vous ... Oui, mais il a une excuse, c'était un instituteur. Suivons-le maintenant dans sa classe, aux temps anciens où l'on pouvait renverser l'encrier et inventer le monde dans les taches d'encre (quand on était un cancre et qu'on ne savait pas bien dessiner).

D'une bouteille d'encre

D'une bouteille d'encre
On peut tout retirer :
Le navire avec l'ancre,
La chèvre avec le pré,
La tour avec la reine,
La branche avec l'oiseau,
L'esclave avec la chaîne,
L'ours avec l'Esquimau.
D'une bouteille d'encre
On peut tout retirer :
Si l'on n'est pas un cancre
Et qu'on sait dessiner.

Maurice Carême ("La lanterne magique")


Ponctuations

- Ce n’est pas pour me vanter,
Disait la virgule,
Mais, sans mon jeu de pendule,
Les mots, tels des somnambules,
Ne feraient que se heurter.

- C’est possible, dit le point.
Mais je règne, moi,
Et les grandes majuscules
Se moquent toutes de toi
Et de ta queue minuscule.

- Ne soyez pas ridicules,
Dit le point-virgule,
On vous voit moins que la trace
De fourmis sur une glace.
Cessez vos conciliabules.
Ou, tous deux, je vous remplace !

Maurice Carême

Voir d'autres poèmes de Maurice Carême page 4.


8 juin 2007

L'école de Jean-Luc Moreau

Jean-Luc Moreau est né en 1937. Il a publié des histoires et des poèmes pour les enfants et les adolescents, (Sous le masque des mots, Devinettes, Poèmes de la souris verte … ) et des anthologies de poésie contemporaine ou plus classique (Poèmes à saute-mouton, Poèmes de Russie ...)

La cour de mon école

La cour de mon école
Vaut bien, je crois,
La cour de Picrochole,
Le fameux roi :
Elle est pleine de charme,
Haute en couleur;
On y joue aux gendarmes
Et aux voleurs;
Loin des Gaulois, des Cimbres
Et des Teutons,
On échange des timbres,
À croupetons;
Des timbres des Antilles,
De Bornéo…
Et puis on joue aux billes
Sous le préau.
Qu'on ait pris la Bastille,
C'est merveilleux,
Mais que le soleil brille,
C'est encor mieux !
Orthographe et problèmes
Sont conjurés.
École, ah ! que je t'aime
À la récré !

Jean-Luc Moreau

Voici un autre texte de Jean-Luc Moreau (déjà présent sur ce blog dans POÉSIES pour la CLASSE - CYCLES 2 et 3), qui peut servir de base, par sa structure, à des jeux de création poétique. Un document présente la démarche pédagogique d'une séance ICI (à partir de la page 28). Voyez un exemple de ce travail réalisé ICI par des élèves de CE1, dans un CM2 ICI, ou encore ICI dans un CP.

Locataires

J'ai dans mon cartable
(C'est épouvantable !)
Un alligator
Qui s'appelle Hector.

J'ai dans ma valise

(Ça me terrorise !)
Un éléphant blanc
Du nom de Roland.

J'ai dans mon armoire
(Mon Dieu, quelle histoire !)
Un diplodocus
Nommé Spartacus.

Mais pour moi le pire,
C'est sous mon chapeau
D'avoir un vampire
Logé dans ma peau.

Jean-Luc Moreau


La rentrée

Un oiseau chantonne
Un air de Mozart
Que le vent d'automne
Emporte au hasard.
Bernard et Nicole,
La main dans la main,
Ont pris de l'école
Le joli chemin.
On voit sous les pommes
Crouler les pommiers.
Les crayons, les gommes
Sortent des plumiers.
Le ciel est morose :
Il verse des pleurs...
Mais Rosa-la-rose*
Est toujours en fleurs.

Jean-Luc Moreau
*allusion à la déclinaison latine de "rosa", que les élèves apprenaient au collège (cf la chanson de Jacques Brel : Rosa).

Ce message sera antidaté pour le rangement dans la catégorie 


29 avril 2007

"L'autre" - Paul Fort

Les Ballades françaises de Paul Fort (1872-1960) sont éditées à partir de 1894, et jusqu'en 1958. Particularités : c'est sous ce seul titre qu'il continue à publier ensuite ses poèmes, aux vers disposés comme de la prose, et dont les textes occupent  40 tomes !
Le thème du poème suivant a inspiré une chanson (intitulée "Si tous les gars du monde"). D'autres poèmes de Paul Fort, souvent très connus, se promènent sur le blog (Le petit cheval, Le bonheur est dans le pré, La mer, La marine ...)

Georges Brassens a mis en musique (catégorie BRASSENS chante les poètes) Le petit cheval (titré La complainte du petit cheval blanc) et La marine.

La ronde autour du monde

Si toutes les filles du monde voulaient s'donner la main,
Tout autour de la mer elles pourraient faire une ronde.

Si tous les gars du monde voulaient bien êtr' marins,
Ils f'raient avec leurs barques un joli pont sur l'onde.

Alors on pourrait faire une ronde autour du monde,
Si tous les gens du monde voulaient s'donner la main.

Paul Fort (Ballades françaises T1 - 1897 - Flammarion)


 

29 avril 2007

"L'autre" - Andrée Chedid

Andrée Chedid ( pas d'accent sur le "e"")  est une poétesse française aux racines multiples : 
Née en 1920 en Égypte (Le Caire) de parents libanais, elle vit au Liban de 1942 à 1946 puis vient s'installer en France (où elle avait séjourné enfant) et adopte la nationalité française.  
Auteure de nombreux romans, récits, pièces de théâtre, recueils de poésies, ainsi que des contes et comptines pour les enfants, elle écrit aussi des textes de chansons pour son petit-fils Matthieu Chedid ("M"), le fils de Louis Chedid.

Entre-autres titres, celui-ci, qui tourne autour du thème : Je dis Aime

J'ai les méninges nomades
J'ai le miroir maussade
Tantôt mobile
Tantôt tranquille
Je moissonne sans bousculade
Refrain : Je dis Aime
Et je le sème
Sur ma planète
Je dis M
Comme un emblème
La haine je la jette
Je dis AIME, AIME, AIME ...

 C'est un regard ouvert sur l'Autre, les autres, qui dirige sa poésie, sa vie :

" Avec mon sang aux mille oiseaux
J'ai marché tout au long de la terre

J'ai renié le temps

J'ai su parler à l'étranger "

Andrée Chedid

Ce texte difficile ouvre le Printemps des Poètes 2008 :

Toi-Moi

Par l'univers-planète
un univers à toute bride
Par l'univers-bourdon
dans chaque cellule du corps

Par les mots qui s'engendrent
Par cette parole étranglée
Par l'avant-scène du présent
Par vents d'éternité

Par cette naissance qui nous décerne le monde
Par cette mort qui l'escamote
Par cette vie
Plus bruissante que tout l'imaginé

TOI
Qui que tu sois
Je te suis bien plus proche qu'étranger.

Andrée Chedid ("Contre Chant" - Éditions Flammarion - 1968 et 1971)


Cet instant

Avec mon sang aux mille oiseaux
J'ai marché tout au long de la terre
J'ai ri de l'argile
J'ai renié le temps
J'ai su parler à l'étranger

Avec mon sang couleur de jour
J'ai dit oui à la mort et à son innocence
J'ai refusé la nuit.

Andrée Chedid ("Textes pour un poème" - Éditions G. L. M.- Paris, 1950 et Éditions Flammarion 1987)


Et le texte suivant, destiné plutôt au collège et au lycée, a été commandé à l'auteur par Le Printemps des Poètes  :

L'Autre
               "Je est un autre"  Arthur R.

À force de m’écrire
Je me découvre un peu
Je recherche l’Autre

J’aperçois au loin
La femme que j’ai été
Je discerne ses gestes
Je glisse sur ses défauts
Je pénètre à l’intérieur
D’une conscience évanouie
J’explore son regard
Comme ses nuits

Je dépiste et dénude un ciel
Sans réponse et sans voix
Je parcours d’autres domaines
J’invente mon langage
Et m’évade en Poésie

Retombée sur ma Terre
J’y répète à voix basse
Inventions et souvenirs

À force de m’écrire
Je me découvre un peu
Et je retrouve l’Autre.

Andrée Chedid (Poème inédit pour Le Printemps des Poètes - Éloge de l'autre - 2007)


La majuscule s'impose pour le Secret :

Le Secret 

D'où viennent-ils ?
Où vont-ils
Tous ces humains que cherchent-ils ?

Il court, il court, le Secret !
Et les hommes lui courent après !

Il est passé par ici
Il repassera par là.

C'est comment, c'est quoi le vie ?
Bien malin qui le dira !

Elle est passée par ici,
Elle repassera par là.

Il court, il court, le Secret !
Et les hommes lui courent après !

Andrée Chedid ("Fêtes et lubies" - éditions Flammarion - 1973)



1 octobre 2007

L'automne de Claude Roy

Claude Roy (1915-1997) est déjà présent sur le blog (voir poésies Cycle 2 et 3). C'était un journaliste engagé, un romancier et un poète :

... Le poète n'est pas celui qui dit Je n'y suis pour personne
Le poète dit J'y suis pour tout le monde ...

Extrait du poème "Jamais je ne pourrai" ("Les Circonstances" Ed Gallimard - 1970)

Météorologie

L'oiseau vêtu de noir et vert
m'a apporté un papier vert
qui prévoit le temps qu'il va faire.
Le printemps a de belles manières.
L'oiseau vêtu de noir et de blond
m'a apporté un papier blond
qui fait bourdonner les frelons.
L'été sera brûlant et long.
L'oiseau vêtu de noir et et jaune
m'a apporté un papier jaune
qui sent la forêt en automne.
L'oiseau vêtu de noir et blanc
m'a apporté un flocon blanc.

L'oiseau du temps que m'apportera-t-il ?

Claude Roy


1 octobre 2007

L'automne de Marie-Magdeleine Carbet

Romancière, auteur de contes pour enfants, et de poèmes ("Mini-poèmes sur trois méridiens" - 1977), Marie-Magdeleine Carbet, est née en 1902 aux Antilles.

L’acacia

Le vent
Passait, pleurant.
L’acacia dit :
Vent d’automne
Au front gris,
Tu t’ennuies :
Je te donne
Mes feuilles.
Prends, cueille
Et va jouer au volant*
Avec ton amie
La pluie.
Le printemps,
En son temps,
M’en fera de plus jolies !

Marie-Magdeleine Carbet
*allusion peut-être au jeu du volant, ancêtre du badminton.


1 octobre 2007

L'automne de Jean-Luc Moreau

Retrouvez Jean-Luc Moreau dans POÉSIES pour la CLASSE - CYCLES 2 et 3 et dans POÉSIES PAR THÈME : l'école

Septembre

Un lièvre effaré
fuit dans les fourrés
la meute qui jappe...
Le vent maraudeur
apporte l'odeur
des pesantes grappes...
Un chœur d'écoliers
aux noirs tabliers
chante une comptine...
Au creux du sillon
le dernier grillon
doucement s'obstine...

Jean-Luc Moreau

1 octobre 2007

L'automne de Michel Luneau

Michel Luneau (né en 1934) est écrivain ("Le Mémorial du sang", "Avis de passage") ... et poète.

Une hirondelle en automne

Une hirondelle, en automne,
Croyait qu'elle faisait le printemps.
Elle attend,
Elle s'étonne
Des couleurs si monotones,
Du mauvais temps,
Et de ne rencontrer personne
Que le vent...
Qui, soudain la désarçonne
Et la jette en avant
Dans la rivière qui moutonne.

Depuis ce temps,
Les hirondelles, qui n'aimaient pas l'automne,
Ne croient même plus au printemps.

Michel Luneau


Voici un deuxième texte, puisqu'il est question d'oiseaux et de voyages. Ce poème est déjà présent sur le blog (Poésies pour la classe - Cycles 2 et 3)

À vol d'oiseau

Où va-t-il, l'oiseau sur la mer ?
Il  vole, il vole...
A-t-il au moins une boussole ?

Si un coup de vent
Lui rabat les ailes,
Il tombera dans l'eau
Et ne sait pas nager.

Et que va-t-il manger ?
Et si ses forces l'abandonnent,
Qui le secourra ? Personne.

Pourvu qu'il aperçoive à temps
Une petite crique !
C'est tellement loin, l'Amérique...

Michel Luneau


Et celui-ci, quand les fusils reviennent :

Le lapin de septembre

En septembre,
Tous les ans,
Un petit lapin frappe à la porte de ma chambre.
- C'est l'ouverture de la chasse !
- Et tu crains que l'on te fricasse !
- Puis-je entrer dans ton potager .
- Oui, mais sans rien déranger !

Mais à chaque fin de saison,
C'est toujours la même chanson
Il a mangé mes salades,
Mes carottes, mon oseille…
J'en suis malade.
Je lui tire les oreilles
Il me regarde transi
De peur
Et me dit :
– Aurais-tu le cœur
D'acheter un fusil ? "

Michel Luneau (Collection "L'enfant et la poésie" - Le cherche midi éditeur)


1 octobre 2007

L'automne de Charles Baudelaire

Charles Baudelaire (1821-1867) peut-il être qualifié de poète maudit ? Certainement, lui  à qui Les Fleurs du Mal ont valu un procès pour outrage à la morale publique et à la morale religieuse. Aujourd'hui, Les Fleurs du Mal sont le recueil de poésies qui se vend et s'est le plus vendu en France.

Chant d'Automne

Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres ;
Adieu, vive clarté de nos étés trop courts !
J'entends déjà tomber avec des chocs funèbres
Le bois retentissant sur le pavé des cours.
Tout l'hiver va rentrer dans mon être : colère,
Haine, frissons, horreur, labeur dur et forcé,
Et, comme le soleil dans son enfer polaire,
Mon coeur ne sera plus qu'un bloc rouge et glacé.
J'écoute en frémissant chaque bûche qui tombe
L'échafaud qu'on bâtit n'a pas d'écho plus sourd.
Mon esprit est pareil à la tour qui succombe
Sous les coups du bélier infatigable et lourd.
II me semble, bercé par ce choc monotone,
Qu'on cloue en grande hâte un cercueil quelque part.
Pour qui ? - C'était hier l'été; voici l'automne !
Ce bruit mystérieux sonne comme un départ.

Charles Baudelaire ("Les Fleurs du Mal" - 1857)


1 octobre 2007

L'automne de Guillaume Apollinaire

L'automne de Guillaume Apollinaire (1880-1918) est une saison de brouillard et de tristesse.

Automne

Dans le brouillard s’en vont un paysan cagneux
Et son bœuf lentement dans le brouillard d’automne
Qui cache les hameaux pauvres et vergogneux
Et s’en allant là-bas le paysan chantonne
Une chanson d’amour et d’infidélité
Qui parle d’une bague et d’un cœur que l’on brise
Oh !* l’automne l’automne a fait mourir l’été
Dans le brouillard s’en vont deux silhouettes grises.

*pas d'autre ponctuation
Guillaume Apollinaire ("Alcools" - Mercure de France 1913 - réédité en poche Poésie/Gallimard)


Et ce poème difficile et tout aussi triste :

Automne malade

Automne malade et adoré
Tu mourras quand l'ouragan soufflera dans les roseraies
Quand il aura neigé
Dans les vergers

Pauvre automne
Meurs en blancheur et en richesse
De neige et de fruits mûrs
Au fond du ciel
Des éperviers planent
Sur les nixes nicettes* aux cheveux verts et naines
Qui n'ont jamais aimé

Aux lisières lointaines
Les cerfs ont bramé

Et que j'aime ô saison que j'aime tes rumeurs
Les fruits tombant sans qu'on les cueille
Le vent et la forêt qui pleurent
Toutes leurs larmes en automne feuille à feuille
Les feuilles
Qu'on foule
Un train
Qui roule
La vie
S'écoule

Guillaume Apollinaire ("Alcools")
Pas de ponctuation. *Dans la mythologie germanique et scandinave les nixes sont des nymphes aquatiques qu'affectionne l'auteur (cf la Lorelei, qu'il évoque dans un autre poème). Apollinaire les qualifie de "nicettes", de l'ancien français "nice" : niais, mignon. 


1 octobre 2007

L'automne de Francis Carco

Francis Carco (1886-1958) est un romancier, auteur de Jésus la Caille, L'Homme traqué... et le poète de Premiers vers, La Bohème et mon cœur, Chansons aigre-douces... Il fréquente les milieux artistiques parisiens, où il rencontre les poètes Guillaume Apollinaire et Max Jacob.

Un arbre

Un arbre tremble sous le vent,
Les volets claquent.
Comme il a plu, l'eau fait des flaques.
Des feuilles volent sous le vent
Qui les disperse
Et, brusquement, il pleut à verse.

Francis Carco


1 octobre 2007

L'automne de Maurice Carême

Merci à la Fondation Maurice Carême

Voir d'autres textes de Maurice Carême dans POÉSIES pour la CLASSE - CYCLES 2 et 3 et dans POÉSIES PAR THÈME : l'école

L'écureuil et la feuille

Un écureuil, sur la bruyère,
Se lave avec de la lumière.

Une feuille morte descend,
Doucement portée par le vent.

Et le vent balance la feuille
Juste au-dessus de l'écureuil ;

Le vent attend, pour la poser
Légèrement sur la bruyère,

Que l'écureuil soit remonté
Sur le chêne de la clairière

Où il aime à se balancer
Comme une feuille de lumière.

Maurice Carême


Gare isolée

On allume les lampes.
Un dernier pinson chante.
La gare est émouvante.
En ce soir de septembre.
Elle reste si seule
À l’écart des maisons,
Si seule à regarder
L’étoile du berger
Qui pleure à l’horizon
Entre deux vieux tilleuls.
Parfois un voyageur
S’arrête sur le quai,
Mais si las, si distrait,
Qu’il ne voit ni les lampes,
Ni le pinson qui chante,
Ni l’étoile qui pleure
En ce soir de septembre.
Et la "banlieue" le cueille,
Morne comme le vent
Qui disperse les feuilles
Sur la gare émouvante
Et plus seule qu’avant.

Maurice Carême


Étranges fleurs

L'automne met dans les lilas
D'étranges fleurs que nul ne voit,

Des fleurs aux tons si transparents
Qu'il faut avoir gardé longtemps

Son âme de petit enfant
Pour les voir le long des sentiers

Et pour pouvoir les assembler
En un seul bouquet de clarté

Comme font, à l'aube, les anges,
Les mains pleines d'étoiles blanches...

Maurice Carême


1 octobre 2007

L'automne d'Émile Verhaeren

Émile Verhaeren (1855-1916) est un écrivain et poète belge. On propose aux élèves, en élémentaire, un extrait de ce long poème (le début), mis ici en couleur (on le trouve aussi sur ce blog dans la catégorie  POÉSIES pour la CLASSE - CYCLE 3 et COLLÈGE).

Le vent

Sur la bruyère longue infiniment,
Voici le vent cornant Novembre,
Sur la bruyère, infiniment,
Voici le vent
Qui se déchire et se démembre,
En souffles lourds battant les bourgs,
Voici le vent,
Le vent sauvage de Novembre.

Aux puits des fermes,
Les seaux de fer et les poulies
Grincent.
Aux citernes des fermes,
Les seaux et les poulies
Grincent et crient
Toute la mort dans leurs mélancolies.
Le vent rafle, le long de l'eau,
Les feuilles vertes des bouleaux,
Le vent sauvage de Novembre;
Le vent mord dans les branches
Des nids d'oiseaux;
Le vent râpe du fer,
Et peigne au loin les avalanches,
- Rageusement - du vieil hiver,
Rageusement, le vent,
Le vent sauvage de Novembre.
Dans les étables lamentables
Les lucarnes rapiécées
Ballottent leurs loques falotes
De vitre et de papier.
- Le vent sauvage de Novembre! -
Sur sa hutte de gazon bistre,
De bas en haut, à travers airs,
De haut en bas, à coups d'éclairs,
Le moulin noir fauche, sinistre,
Le moulin noir fauche le vent,
Le vent,
Le vent sauvage de Novembre.
Les vieux chaumes à cropetons,
Autour de leurs clochers d'église,
Sont soulevés sur leurs bâtons;
Les vieux chaumes et leurs auvents
Claquent au vent,
Au vent sauvage de Novembre.
Les croix du cimetière étroit,
Les bras des morts que sont ces croix,
Tombent comme un grand vol,
Rabattu noir, contre le sol.
Le vent sauvage de Novembre,
Le vent,
L'avez-vous rencontré le vent,
Au carrefour des trois cents routes ;
L'avez-vous rencontré le vent,
Celui des peurs et des déroutes;
L'avez-vous vu cette nuit-là
Quand il jeta la lune à bas,
Et que, n'en pouvant plus,
Tous les villages vermoulus
Criaient comme des bêtes
Sous la tempête?

Sur la bruyère, infiniment,
Voici le vent hurlant.
Voici le vent cornant Novembre.

Émile Verhaeren ("Les villages illusoires")


Automne

Matins frileux
Le vent se vêt de brume ;
Le vent retrousse au cou des pigeons bleus
Les plumes.
La poule appelle
Le pépiant fretin de ses poussins
Sous l’aile.
Panache au clair et glaive nu
Les lansquenets des girouettes
Pirouettent.
L’air est rugueux et cru ;
Un chat près du foyer se pelotonne ;
Et tout à coup, du coin du bois résonne,
Monotone et discord,
L’appel tintamarrant des cors
D’automne.

Émile Verhaeren


1 avril 2008

Andrée Hyvernaud, Anne-Marie Kegels

Andrée Hyvernaud  (1910-2005)

Un poème un peu en retard sur le calendrier. L'année prochaine ?

Galette des Rois

Qui a la fève et la couronne ?
Papier d'or ou papier d'argent ?
La galette était bonne
Et la fève dedans.

Petit roi d'amour aux yeux de velours
Choisis la reine de ta cour !
Gentil Roi, bois ! Mais n'oublie pas
Que le bonheur même des Rois
Ne dure souvent qu'un seul jour ...

Andrée Hyvernaud

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Les mots

Les mots ont leur façon à eux
de s'éprendre les uns des autres
on n'y peut pas souvent grand-chose
et cela vaut peut-être mieux

Andrée Hyvernaud



Anne-Marie Kegels  (1912-1980) est une poète belge de langue française. 

Automne

Ne me dis pas que l'octobre
Me parle chaque soir
Du frisson de la neige.
Mais ouvre la fenêtre,
Surprends-le au verger,
Et vois comme il me donne
De tous ses ors crispés
Un plaisir qui me brûle.

Anne-Marie Kegels 

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La Fenêtre

Pour les autres, pour les passants,
tu es simplement la fenêtre.
Pour moi qui t'aime du dedans
tu es ma plus profonde fête.

Celle qui accroît le regard
et limite chaque nuage,
la gardienne du paysage
où je viens me perdre le soir.

J'ai le monde sous mes paupières
mon front à ta vitre appuyé
et tu es glissante lisière
sur le bord de l'illimité.

Reste ma sœur très patiente,
fais-moi l'aumône d'un oiseau,
redis-moi les paroles lentes
de cet horizon sans défaut.

Et posée entre ciel et terre
sois ce chemin aérien
près duquel doucement je viens
apaiser ma faim de lumière.

Anne-Marie Kegels



1 avril 2008

Lucienne Desnoues, Béatrice de Die

Lucienne Desnoues (1921-2004) poète, a également écrit des contes pour les enfants,.

Hiboux (extrait)

Vous hiboux, ténébreux hiboux, ne voyez pas,
Bien que fils des forêts, que les forêts sont vertes.
Comptez-vous comme nous sur l'éclair du trépas
Pour faire du réel l'entière découverte?

Lucienne Desnoues ("Quatrains pour crier avec les hiboux" - Éditions Gérard Oberlé, 1984) source : terresdefemmes.blogs.com

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Rimes riches pour mirliton (extrait)

Pourquoi grognes-tu Gaston ?
T'agace-t-on ?
As-tu pris la grippe ? A-t-on
Écrasé ton ripaton ?
Sur la patte à ton chaton
Marcha-t-on ?
...

Lors des étés à hannetons
Ahane-t-on ?
Quand on est un baryton,
Barrit-on ?
Et python,
Épie-t-on ?
Lorsqu'on est émir, lit-on
En jouant du mirliton ?

Lucienne Desnoues (dans "Mon premier livre de poèmes pour rire" - réunis par Jacques Charpentreau - Éditions Ouvrières, Petite Enfance heureuse, 1986)

Mesures

Les kilomètres signés
Marquise de Sévigné.
Les arpents de La Fontaine
Aux mesures bien certaines
Dans leurs jalons inégaux.
Les hectares de Hugo.
Flaubert qui ponce et qui rogne.
Verlaine en ses doigts d'ivrogne.
Une jauge de cristal.
Le gros tonnage mental
Des Écoles, des Églises,
Quatre vers qui se relisent,
Quatre mille jamais plus,
Quatre millions jamais lus.
Rimbaud, voltage terrible.
Mallarmé, avare crible
Pour des onces, des carats.
Le gramme qui survivra.
Le quintal qu'on enterre.
L'alexandrin solitaire
Qui reverdira pourtant,
Repercement du printemps.
La toise du grand Molière.
Le lourd aunage de lierre
Qui drape Chateaubriand.
Tes sveltes compas brillants,
Tes balances minuscules,
Proust. O Balzac, tes bascules.
L'acre et le mille hantés
De Shakespeare et de Bronté.
Melville, tes encablures
Où des baleines se plurent.
La veste de Féodor,
La lieue où l'ogre s'endort.

Quels mesureurs elles eurent
Nos humaines démesures !

Lucienne Desnoues ("La plume d'oie", 1971)

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Le face-à-face

Toute droite, la violette,
Avec ses oreilles de faon,
Ecoute le chant triomphant
De la source qui la reflète.

A h ! Quelle passion me pousse
A saisir ce gibier subtil,
Ce frais petit fauve d'avril,
Entre mon index et mon pouce ?

je te hausserai vers la nue
Et je renverserai le front
Et face-à-face nous serons,
Moi le géant, toi la menue.

Si claire figure foncée,
Lueur montant du fond du noir,
Mon espoir et mon désespoir,
L'infini dans une pincée,

Fleur enfant, très ancien sourire,
Éternel museau d'un instant,
Qu'avons-nous donc tous les printemps
De si pathétique à nous dire ?

Lucienne Desnoues 



Béatrice de Die (XIIe siècle). C'est en Provence et en langue d'oc que les poèmes de la comtesse Béatrice de Die sont chantés par les troubadours.

Voici un poème, en occitan, suivi de sa traduction en français moderne (source : www.horslesmurs.ning.com )
 

Estat ai en greu cossirier (extrait)

Estat ai en greu cossirier
per un cavallier qu'ai agut,
e vuoil sia totz temps saubut
cum ieu l'ai amat a sobrier;
ara vei qu'ieu sui trahida
car ieu non li donei m'amor
don ai estat en gran error
en lieig e quand sui vestida.

Ben volria mon cavallier
tener un ser en mos bratz nut,
qu'el s'en tengra per ereubut
sol qu'a lui fezes cosseillier;
car plus m'en sui abellida
no fetz Floris de Blanchaflor:
ieu l'autrei mon cor e m'amor
mon sen, mos huoillis e ma vida.
...

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Grande peine m'est advenue
(extrait)

Grande peine m'est advenue
par un chevalier que j'ai eu.
je veux qu'on sache toujours
que j'ai pour lui tant d'amour.
à présent me voilà trahie,
pour ne lui point donner d'amour
quand je fus en grande folie,
au lit comme toute vêtue.

Je voudrais mon chevalier
tenir un soir dans mes bras nus ;
il en serait comblé de joie
si je lui servais de doux coussin;
je suis plus amoureuse de lui
qu'un jour Flore de Blanchefleur,
je lui donne mom amour et ma vie,
mon âme, mes yeux et mon coeur.
...

Béatrice de Die (la traduction en français est de Pierre Seghers)



1 avril 2008

Anne-Marie Chapouton, Marie Chevallier, Andrée Clair, Christine Clairmont

Anne-Marie Chapouton (1939-2000) est une auteure de poésies, de contes, d'ouvrages pédagogiques et de romans pour les enfants et la jeunesse ("Poèmes petits", "1, 2, 3, comptines à compter", "La vache Amélie", " Méthode de lecture CP-CE1", etc).

Ces deux poèmes sur la tortue, animal féminin, sont aussi dans la catégorie PRINT POÈTES 2010 : LE FÉMININ EN POÉSIE :

Tortue  (sans titre, ce titre est proposé par le blog) 

Tortue, je t'observe.
Tu restes tapie
sous ta carapace,
puis, timidement,
tu sors ta tête.
Et tu attends
que les fruits mûrs
tombent tranquillement
sous l'arbre fruitier.
Tu es gourmande !
Le sais-tu, tortue ?

Anne-Marie Chapouton (Mon ABC en comptines - Père Castor - Flammarion, 1999)

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Quand on est tortue

Quand on est tortue,
On peut rentrer la tête
Sous sa carapace
Quand vient la pluie.

Alors on peut rêver
À l'abri,
Et repartir
À petits pas
Jusqu'à l'herbe prochaine
Qu'on atteindra
Ce soir...
Demain...
Ou même un peu plus tard...

Pas de problème
De retard !
Quand on est tortue,
On a toujours le temps
De vivre lentement !

Anne-Marie Chapouton ("Comptines pour les enfants bavards" - Père Castor, Flammarion)

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On trouve aussi ce texte dans la catégorie PRINT POÈTES 2010 : LE FÉMININ EN POÉSIE :

La pluie

Gouttelette
rondelette
tombée
sur mon nez
piquelette
sur ma tête
voici mon amie
la pluie
chansonnette
doucelette
trottinant
chante la pluie
dans le vent.

Anne Marie Chapouton

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Il pleut

Il pleut
des feuilles jaunes
il pleut
des feuilles rouges

L’été va s’endormir
et l’hiver
va venir
sur la pointe
de ses souliers
gelés

Anne-Marie Chapouton ("Poèmes petits" - Delagrave, 1999) - poème remis dans sa forme d'origine : pas de ponctuation ni de majuscules.

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Rêve 4 (c'est sous ce titre qu'il apparaît dans le recueil, il y a 3 autres poèmes-rêves qui précèdent)

J'ai vu
trois châteaux
se promenant
lalaire
se promenant
dans les airs

puis je n'ai
plus rien vu
lalaire
plus rien vu
car ils étaient
redescendus

Anne-Marie Chapouton ("Poèmes petits" - Delagrave, 1999)



Marie Chevallier est née en 1926. Elle a créé la revue Cahiers de poésie et de poétique ibérique et ibéro-américaine et publié de nombreux recueils de poèmes (Le Reste du temps,1976, La Part du feu,1981, Pour une même gerbe, 1990, Au plein air de la vie brève, 2001).

Je verse quelques pauvres larmes
refroidies.

Incubation du silence.

Lorca vampirisé
dort au fond d’un barranco,
chien andalou.

À cinq heures du soir.
À cinq heures du soir.

Il y eut des jours
serrés comme des poings.
En vrac de solitude.

Aggravée.

Marie Chevallier (source : site du printemps des Poètes)

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Insouciance (passage au début du poème)
....

Dans la lune je vois une
araignée éberluée :
l'étoile vient de filer.

Le mille-patte a des souliers,
tous ses souliers sont troués.

Mais l'étoile et l'araignée
lui fileront cache-nez
autant que de cache-pieds,
il ne va pas s'enrhumer.
....

Marie Chevallier (source : site du printemps des Poètes)



Andrée Clair est née en 1916. Elle a voyagé et vécu longtemps en Afrique.

ABRACADABRA

ABRACADABRA s'exclame l'ara
ABRACADABRANT, barrit l'éléphant
ABRACADABRÉ
*, chante l'araignée
ABRACADABRI, bêle le cabri
ABRACADABRO, flûte le crapaud
ABRACADABRU conclut l'urubu

Andrée Clair - * l'accent, indispensable , avait été oublié

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Le hérisson et l'oursin

Le hérisson
s'en est allé à la mer
pour se baigner.
Il a rencontré son cousin
l'oursin.
Ils se sont jetés
dans les piquants l'un de l'autre
les deux petits cousins
ils se sont bien embrassés
et piquants dessus
piquants dessous
ils sont partis se baigner
dans la Méditerranée.

Andrée Clair

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Le perce-oreilles

Le tout petit perce-oreilles
ne perce pas du tout
nos oreilles

mais il perce
tous nos secrets

méfiez-vous du perce-oreilles

Andrée Clair

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Le kangourou

Le kangourou

n'a pas les yeux dans sa poche

 du reste
le kangourou
n'a pas froid aux yeux

alors pourquoi
les mettrait-il
dans sa poche
ses yeux ?

Andrée Clair



Christine Clairmont est une romancière et poète contemporaine.

Le pays

Le pays que je préfère
Est à l'intérieur de moi
La montagne des chimères
Plantée d'arbres à pourquoi.

Il faut tracer un chemin
Dans un bois impénétrable
Sous l'écorce du destin
Chercher le sens de la fable.

Trouver l'harmonie du Temps
Dans les branches du mélèze
Pour que la peine d'antan
Au vif du printemps se taise.

Découvrir sous la fougère
La pervenche aux yeux d'enfant
Qui dans le feu de la guerre
Gardait son contentement.

Aboutir dans la clairière
Où dort l'étang du futur
Tandis que la pensée mère
Monte sans frein vers l'Azur.

Christine Clairmont ("Sur un air d'éternité" - Maison Rhodanienne de Poésie, 1986)



1 avril 2008

Michelle Daufresne

Michelle Daufresne, auteure contemporaine, a publié des poèmes et des histoires qu'elle a elle-même illustrés pour des recueils et des albums destinés aux enfants et à la jeunesse ("Irma Bec en L'air" chez Syros, "Images, images", aux éditions L'Art à la page). Elle a aussi créé les illustrations pour des textes d'autres poètes ("Le rire des cascades", d' Alain Boudet aux éditions Motus). Et bien d'autres.

 

Petites ombres

Les petites ombres se promènent
serrant contre elles
un cabas,
un chien, un chat.

Personne ne les voit
on ne remarque pas
ces ombres
sombres.

Elles ont été
dans le passé
des charmantes,
des importantes,
des méchantes,
des vibrantes.
Elles ont été, cela les hante,
des amantes.

Dans les glaces des magasins,
glaces sans tain
elles croisent des reflets éteints
de fantômes anciens.

Pourquoi rentrer
retrouver
un passé
envolé ?
Qui les attend ?
Qui les entend ?

Les petites ombres se promènent
serrant contre elles
un chien, un chat
un cabas.
Elles déambulent
funambules.

Michelle Daufresne ("Envol" - éditions Lo Païs d'Enfance, 1999)



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