Marc Delouze est né en 1945. Extraits de sa biographie sur le site du Printemps des Poètes : Son premier recueil paraît en 1971. Quelques années plus tard, se refusant à "faire le poète", il s'installe dans un silence éditorial d'une vingtaine d'années, pendant lesquelles il travaille à la recherche de nouveaux supports d'expression poétique liés à la Cité : spectacles de rue, poésie musicale, interventions diverses...et, en 1982, il crée l'association "Les Parvis Poétiques", qui organise des événements, des festivals, des expositions sonores, des lectures-spectacles, etc. Dernière publication en date : "C'est le monde qui parle" (récit - éditions Verdier, 2007).
Marc Delouze a mis en poèmes animaux les instruments de musique, en voici deux :
Le tambourin
Chitiki le kangourou a volé plein de grelots se karapatte à grands sauts mais son ventre fait un bruit à réveiller les nuages Chitiki Chitiki Chitiki le kangourou n'est pas surpris
IL EST SOURD
Marc Delouze
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La grosse caisse
Tontakès le dinosaure patatauge dans la gadoue puis il s'essore comme un torchon
Yak Rivais, enseignant et auteur pour la jeunesse, est né en 1939. Il a écrit de nombreux ouvrages, mêlant contes et jeux de mots ("Les demoiselles d'A" est composé exclusivement de phrases empruntées à différents ouvrages). Dans "Les sorcières sont N.R.V.", il s'est exercé avec talent au tautogramme (tous les mots commencent par la même lettre). Ce livre contient bien d'autres expériences auxquelles l'auteur soumet le
langage.
Yak Rivais ("Les sorcières sont N.R.V." - L'École des Loisirs, 1989) et Claude Gagnière, dans "Au bonheur des mots", page 132 (éditions Robert Laffont, 1989)
Tautogramme
Cet exercice est ardu, car respecter la contrainte à la lettre (c'est bien ça), complique la construction de phrases. Pour réduire la difficulté, on
peut limiter le nombre de mots par initiale, ou/et décider que seuls les
verbes, noms, adverbes et adjectifs obéiront à la
règle. On obtiendra alors un effet d' allitération. Voir d'autres tautogrammes dans la partie "JEUX".
Exemple : 1. Votre vieux vélo va si vite que vous volez. Voulez-vous vraiment que je voyage avec vous ?
2. Un simple serpent suffit souvent à soulager les sinusites Faites-le frire, farinez-le et frappez-vous fortement le front.
On trouvera ici des productions d'élèves, avec de vrais tautogrammes : http://www.ac-nancy-metz.fr/petitspoetes/HTML/SALLESDEJEUX/JEUTAUTOGRAM.html
Lucie Spède, née en 1936, est une poétesse belge de langue française. Quelques recueils : Volte-face, 1973 ; Inventaire, 1974 ; Comme on plonge en la mer, 1984 - ; Chansons de l'oiseau, 1993 ; J'ados, 2002
Tu penses que la vie est grise, Mais ce sont tes lunettes qui sont sales.
Lucie Spède
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Définition
L'humour ? C'est l'humeur qui devient jaune soleil les yeux qui se font champagne le visage qui se fend d'un sourire les poumons qui ouvrent leurs pétales la voix qui cascade son rire. C'est un regard un mot un dessin une musique en tenues de fête une façon de porter en toutes saisons ses lunettes solaires pour regarder la vie.
Lucie Spède
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Le mille-pattes
Un mille-pattes à un mariage invité
n'y est jamais arrivé
car il n'a pas pu achever
de lacer tous ses souliers.
Lucie Spède
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Oh dodo
L'édredon et ron et ron est le bidon dodu et rebondi du lit.
Lucie Spède
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Météo
Les escargots sont de sortie : sortons nos parapluies. Les limaces sont sur le chemin : ouvrons larges nos pépins.
Lucie Spède (dans "L'almanach de la poésie", anthologie rassemblée par Jacques Charpentreau - Éditions Ouvrières, 1983)
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Le monde à l'envers
Un jour où je dormais les yeux ouverts, J'ai rêvé qu’après un grand tremblement de mer, Le monde entier fonctionnait à l'envers, Les Esquimaux se retrouvèrent en paréos et Les Hawaïens dans des igloos, Les libellules rampaient comme des limaces, Les tortues fendaient l'air de leur carapace, Les escargots filaient à toutes pattes et Les zèbres pesants laissaient passer les mille-pattes, Les poissons perchaient dans les bois, Les oiseaux nageant chantaient sous l'eau à pleine voix, Les crabes marchaient droit, Les arbres plantaient leurs racines dans l'espace, Les nuages se roulaient dans la mer et Les vagues bruissaient dans le ciel, Et moi, je marchais à travers tout cela, La tête en bas, et tout émerveillée, Je souriais de tous mes orteils.
Le rire Pour rire Quitta les hommes Ce fut navrant Fallait voir comme Mais le rire Bonhomme Regagna son "home" Riant riant De voir comment Un homme sans rire N'est plus un homme
Andrée Chedid ("Le Cœur et le temps" - éditions de l'École des Loisirs, 1976) / ("Fêtes et lubies" - éditions Flammarion - 1973et 1996) et également sur le site du Printemps des Poètes (archives 2009)
"Fini, fini !" Dit la fourmi. "Au diable la parcimonie ! Dès aujourd’hui Je convie Toutes cigales affranchies A me chanter leurs mélodies, Et nous fêterons, en compagnie, La vie qui bouge, La vie qui fuit !"
"Holà, holà !" Fit la cigale Poussant un cri très vertical. "Pour moi, adieu le carnaval ! L’hiver, l’hiver m’a tant appris, Et le souci tant rétrécie, Que j’ai rangé toutes mes rêveries Pour m’établir En Bourgeoisie !"
Dans le poème qui suit, Andrée Chedid féminise l'Automne. Est-ce que ça ne vous donnerait pas des idées de création poétique pour le Printemps des Poètes 2010 "couleur femme" ? hein ?
Les routes
Si tu sautes par-dessus la haie Vers les routes en triangle
Tu trouveras l'Automne Allongée comme un cadavre Couchée de toutes ses feuilles
Tandis que d'une cheminée Montera la première chaleur Étoile rouge du berger Avec sa coiffe de magicienne.
Andrée Chedid ("Textes pour un poème", GLM et Flammarion, 1950)
Les
textes publiés n'ont pas tous fait l'objet d'une
demande d' autorisation. Les ayants droit peuvent nous en demander le
retrait.
Andrée Chedid - image empruntée au site référencé, qui propose des ressources biographiques et bibliographiques - autres sites : http://www.mondalire.com/chedid.htm et le site "officiel" : http://www.andreechedid.com/
Vous trouverez sur cette page une présentation de l'auteure et quelques textes classés par niveau de difficulté supposée.
"Je veux garder les yeux ouverts sur les souffrances, le malheur, la cruauté du monde; mais aussi sur la lumière, sur la beauté, sur tout ce qui nous aide à nous dépasser, à mieux vivre, à parier sur l'avenir" (Andrée Chedid, dans son roman "Le message" )
Andrée Chedid (pas d'accent sur le "e") est une poétesse française aux racines multiples : Née
en 1920 en Égypte (Le Caire) de parents libanais, elle vit au Liban de
1942 à 1946 puis vient s'installer en France (où elle avait séjourné
enfant) et adopte la nationalité française. Auteure
de nombreux romans, récits, pièces de théâtre, recueils de poésies,
ainsi que de contes et de comptines pour les enfants, elle a également
écrit des paroles de chansons interprétées par son petit-fils Matthieu Chedid ("M"), fils du chanteur Louis Chedid. Andrée Chedidest absente de la plupart des anthologies poétiques : un oubli remarquable et majeur, entre-autres, celui de Jean Orizet dans son pavé "La poésie française contemporaine" (Le cherche midi éditeur, 2004), qui réunit environ 150 auteurs.
Comme d'autres "poétesses", elle est souvent cantonnée aux recueils de
poésie féminine, aux thèmes étiquetés "féminins", ou encore à l'édition
"jeunesse" et au secteur scolaire.
Le Printemps des Poètes 2008, sur le thème de L'Éloge de l'autre (accès aux textes de cette catégorie colonne de gauche) avait mis en exergue ce passage d'un poème d'Andrée Chedid :
"Toi Qui que tu sois Je te suis bien plus proche qu'étranger".
(derniers vers du poème TOI-MOI" - "Visage premier, Flammarion, 1972) - voir le poème intégral plus bas
Elle sera "l'ambassadrice" du Printemps des poètes 2010, sur le thème Couleur femme. On trouvera donc ici les textes de l'auteur déjà présentés dans la catégorie du blog Éloge de l'autre (Printemps des Poètes 2008), En rires (PP 2009) ainsi que d'autres textes, tous thèmes confondus.
<< ci-dessus en image et ci-dessous en couleur, des recueils accessibles aux élèves de primaire. Bibliographie poétique (source principale recoupée : Wikipédia et deux autres sites signalés plus haut) : Textes pour une figure, Éditions du Pré aux clercs, Paris, 1948 / Textes pour un poème, G. L. M., Paris, 1950 / Textes pour le vivant, G. L. M., Paris, 1953 / Textes pour la terre aimée, G. L. M., Paris, 1955 / Terre et poésie, G. L. M., Paris, 1956 / Terre regardée, G. L. M., Paris, 1957 / Seul le visage, G. L. M., Paris, 1960 / Lubies, G. L. M., Paris, 1962 / Double-pays, G. L. M., Paris, 1965 / Contre-chant, Flammarion, Paris, 1968 / Fêtes et lubies : petits poèmes pour les sans-âge, Flammarion, Paris, 1973 (réimpr. 1996 (coll. « G.F. ») / Prendre corps, G. L. M., Paris, 1973 / Cérémonial de la violence, Flammarion, coll. « Poésie », Paris, 1976 / Fraternité de la parole, Flammarion, coll. « Poésie », Paris, 1976 / Le Cœur et le temps : poèmes pour les enfants, L'École des Loisirs, Paris, 1977 / Cavernes et soleils, Flammarion, coll. « Poésie », Paris, 1979 (réimpr. 2005) / Lubies, L'École des Loisirs, coll. « Chanterime », Paris, 1979 / Par-delà les mots (poèmes), Flammarion, Paris, 1995 /Grammaire en fête, Ed. Folle avoine,1984 / Territoires du souffle (poésie), Flammarion, Paris, 1999 /Naître plus loin, Lo Païs d'Enfance, Draguignan, 1997/ Rythmes (poèmes), Gallimard, Paris, 2002. D'autre part, deux recueils réunissent une sélection des textes publiés dans tous les recueils précédemment cités : Textes pour un poème (1949-1970), Flammarion, 1987 et Poèmes pour un texte (1970-1991), Flammarion, 1991.
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rappel : les publicités insérées sur le blog sont indépendantes de notre volonté
ci-dessus, exemple d'objet poétique à créer proposé : Lettre à Monsieur Lapin
Veuillez trouver dans ce colis en promotion "chasse et nature" vos bouchons d'oreille anti-bruit. Nous régler avant ouverture.* * de la chasse
Sérieux s'abstenir, le thèmedu Printemps des poètes 2009 est"en rires" Voici un choix de textes et d'idées de création poétique pour la classe sur le thème de l'humour cliquez sur les liens :
Vous cherchez le texte, le titre ou l'auteur d'une poésie ou d'une chanson ? Laissez votre recherche précise ci-dessous, en commentaire de ce message et lisez ICI les textes en recherche et ceux trouvés
NB. Le lien "contacter l'auteur" ne fonctionne pas toujours, préférez les commentaires
Un mur, Sévilla, sept 2008 : décrépitude naturelle (photo lieucommun)
Portrait dégoûtant
Il avait mauvaise mine une langue de vipère un nez de fouine des oreilles de cocker des dents de loup des yeux de mouche mais surtout une bouche d'égoût. C'est pourquoi il ne se sentait pas bien du tout.
Antoine Bial
Les textes qui suivent seront rangés dans la nouvelle catégorie : Antoine Bial : Actus
Actualité de la semaine : samedi 23 avril 2009 Contexte : Le 72e Festival de Cannes, strass et paillettes, montée des marches pour les stars, poses photo sur la plage pour les starlettes d'un jour.
Cinémas
La Croisette déroule son tapis rouge, Festival de Cannes, prestige de stars. La montée des marches fait tourner les têtes.
La Croisette déroule son tapis de sable, festival de cannes, vertige de starlettes qui ne tournent que sur place.
La Croisette déroule son tapis bleu, estival de Cannes, la starlette arrête son cinéma. Silence on tourne la page.
Antoine Bial
Actualité de la semaine : lundi 20 avril 2009 Contexte : Dialogue de malentendus à l'Elysée. Le Président et des journalistes.
Samedi 18 avril, Frédéric Lefebvre a accusé Libération de "ressembler de plus en plus à un tract". Selon lui, le quotidien, "après avoir perdu ses lecteurs, perd sa crédibilité". Le quotidien, citant des participants, avait mis dans la bouche du chef de l'Etat des commentaires notamment sur le président du gouvernement espagnol Zapatero, qui auraient été tenus lors d'un déjeuner avec des parlementaires.
Bien entendu
Bien entendu je n'ai rien dit à ce propos, je sais que vous l'avez compris à demi-mot. D'ailleurs je déments à l'avance ce que je pense. Ne jouez pas avec les mots.
- Bien entendu on reste sourd à vos propos. Comptez sur nous, on rendra compte mot pour mot. On n'a pas le tract* pour le dire, On va l'écrire dans le journal.
* D'autres ont eu le trac de confirmer les propos.
Antoine Bial
Actualité de la semaine : vendredi 10 avril 2009 Contexte : un député socialiste raconte...
"Alors que j'étais ce matin en réunion [...] à l'Assemblée pour préparer une proposition de loi que nous devons déposer la semaine prochaine, une collaboratrice de notre groupe m'a appelé pour me signaler que le vote allait bientôt intervenir sur ce texte et que, compte tenu du rapport de forces, il y avait une chance qu'il ne soit pas adopté. Lorsque j'ai accouru à l'hémicycle, j'ai constaté que plusieurs députés socialistes restaient groupés derrière la porte de l'hémicycle ou plus exactement derrière le rideau qui sépare le sas d'entrée du bas de l'hémicycle. J'ai évidemment compris qu'il s'agissait d'attendre là, la fin de l'intervention de la ministre pour faire une entrée groupée.[...] Comme quoi le vote d'un texte tient parfois à un rideau qui se lève ou se baisse au bon moment !"
De leurs voix bien placées les acteurs exécutent le texte en un seul acte délibéré. La majorité de la salle applaudit.
Très touchés, les auteurs promettent une prochaine représentation.
On leur souhaite le même succès.
Antoine Bial
Actualité de la semaine : 21 mars 2009 Contexte : On vide les entreprises mais on se remplit les poches. Le gouvernement menace de légiférer ...
Chut(e) !
On touche à ses valeurs fondamentales, on conteste les options qu'il a prises en stock, on lui reproche même ses bonnes actions, et quand il veut rendre des contes, on lui taille un costard dans le parachute doré ...
Paul Vaillant-Couturier (1892-1937) était journaliste, écrivain, et poète mais l'Histoire a surtout retenu son engagement pacifiste et sa carrière politique. Il contribue à la diffusion de la « chanson de Craonne » pensant la guerre de 14-18. Journaliste au "Canard Enchaîné", en 1917, il crée en 1919 la revue pacifiste et artistique Clarté, avec Henri Barbusse. Après le Congrès de Tours (1920), il participe à la fondation du Parti communiste français .
recueils de poésie : La Visite du berger (1913) et Trains rouges (1922).
L'alphabet (première version)
Le A majuscule monte dans le ciel comme une Tour Eiffel. Le B est un monsieur à gros ventre. Le C fait la révérence. Le D est le dernier quartier de lune. Le E a faim de toutes ses dents. Le F est une grue dressée sur un chantier. Le G ouvre sa bouche pour vous avaler. Le H dresse ses deux poteaux sur le terrain de rugby. Le I est un monsieur très maigre qui se tient droit. Le J a le profil d'une louche à soupe. Le K est un képi très haut. Le L me servira d'équerre. Le M est deux ponts dans la plaine. Le N nous avertit d'un virage dangereux. Le O est une belle pomme. Le P pourrait servir de parapluie. Le Q a le profil d'une raquette. Le R est une pieuvre sur ses gardes. Le S se tortille comme un serpent. Le T est perché comme une antenne sur le toit. Le U est un trapèze. Le V est comme un oiseau dans le ciel. Le W est comme les racines d'une molaire. Le X présente deux épées qui se croisent. Le Y est une baguette de sourcier. Le Z est le signe de Zorro.
Paul-Vaillant Couturier
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L' alphabet (deuxième version)
"Paul se plaisait à imaginer les lettres un peu comme se les imaginaient les enlumineurs de manuscrit... II y avait l'A, gendarme campé sur ses bottes, le B, gros monsieur sans fesses roulant sur son ventre, le C qui fait la révérence, le D qui est assis derrière son comptoir, le E qui a faim de toutes ses dents, le F qui indique la sortie, le G, menuisier des lettres avec son étau, le H avec ses duellistes qui s'enferrent le I monsieur maigre qui salue, le J qui saute et le K petit bossu, le L qui envoie son coup de pied, le M, la plus assise des lettres, le N, montagne russe pour aller au ciel, le O à qui on n'a qu'à dessiner une figure comme à la lune, le P, initiale de Paul, ce qui suffit, le Q dont on fait un rat en lui mettant deux oreilles, le R mousquetaire, la plus noble et la plus majestueuse des lettres, l'anguille du S, la balance du T, l'U tête sans crâne, le V de vipère et le mystère de son identification avec l'U sur les affiches, le W qui n'est nulle part que sur les cabinets et les parents lointains des lettres qui offrent avec le W une évocation d'exotisme et de voyage : X, Y, Z."
Paul Vaillant-Couturier ("Enfance" - Editions Messidor, 1987)
La forme des lettres, évocation poétique
L'observation des lettres de l'alphabet permet l'évocation poétique. On imaginera d'autres correspondances (cf aussi "Voyelles", le poème d'Arthur Rimbaud, en formes et couleurs :
A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles, Je dirai quelque jour vos naissances latentes : A, noir corset velu des mouches éclatantes ...
Autres matériaux : les chiffres : 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9, les signes d'écriture : , ; . ! ? ... ( " ¨^@ + - X
Dans la nouvelle "L'alphabet de Mondo", ci-dessous, Le Clézio, auteur contemporain, livre d'autres visions de l'alphabet : [...]
L'homme avait pris dans son sac de plage un vieux canif à manche rouge et il avait commencé à graver les signes des lettres sur des galets bien plats. En même temps, il parlait à Mondo de tout ce qu'il y a dans les lettres, de tout ce qu'on peut y voir quand on les regarde et quand on les écoute.
Il parlait de A qui est comme une grande mouche avec ses ailes repliées en arrière ; de B qui est drôle, avec ses deux ventres, de C et D qui sont comme la lune, en croissant et à moitié pleine, et O qui est la lune tout entière dans le ciel noir. Le H est haut, c'est une échelle pour monter aux arbres et sur le toit des maisons ; E et F, qui ressemblent à un râteau et à une pelle, et G, un gros homme assis dans un fauteuil ; I danse sur la pointe de ses pieds, avec sa petite tête qui se détache à chaque bond, pendant que J se balance ; mais K est cassé comme un vieillard, R marche à grandes enjambées comme un soldat, et Y est debout, les bras en l'air et crie : au secours ! L est un arbre au bord de la rivière, M est une montagne ; N est pour les noms et les gens saluent de la main, P dort sur une patte et Q est assis sur sa queue ; S, c'est toujours un serpent, Z toujours un éclair ; T est beau, c'est comme le mât d'un bateau, U est comme un vase. V,W, ce sont des oiseaux, des vols d'oiseaux ; X est une croix pour se souvenir.
Avec la pointe de son canif, le vieil homme traçait les signes sur les galets et les disposait devant Mondo. Jean-Marie Gustave Le Clézio ("Mondo et autres histoires" - éditions Gallimard, 1978).
Louisa Paulin (1888-1944) a vécu dans le Tarn, où elle a été institutrice. Elle écrit ses poèmes d'abord uniquement en français, puis en français et en occitan. “Je
me suis mise à la langue d'Oc par repentir d'avoir si longtemps ignoré
mon pays et peut-être de l'avoir un peu méprisé”.
On ne connaît généralement de Louisa Paulin que ses poèmes en
français. Voici deux textes qu'elle a écrits dans les deux langues :
Chant de neige
L'ange de la géométrie, mon cœur, Ce matin d'hiver veut nous prendre au piège.
L'ange étincelant nous ouvre, mon cœur, Le blanc paradis des cristaux de neige.
Et nous sommes là, fascinés, mon cœur, Par sa merveilleuse et pure science.
Et nous sommes là, prisonniers, mon cœur, De son ineffable et cruel silence.
Vèni, ausirem, anuèit, la Cançon del silenci, la cançon que comença, quand s'escantís, la nuèit, lo cant del rossinhòl ; la cançon que s'ausís al doç cresc de l'erbeta, la cançon de l'aigueta que se pausa, un moment, al rebat d'un ramèl ; la cançon de la branca que fernís e que dança desliurada del pes amorós d'un ausèl ; la secreta conçon breçant l'ombra blavenca del lir còrfondut de promessa maienca, qu'espèra, per florir, un signe del azur.
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La chanson du silence
Viens, nous entendrons, ce soir, la chanson du silence, la chanson qui commence, quand s'achève, la nuit, le chant du rossignol ; la chanson qu'on entend à la douce croissance de l'herbe, la chanson de l'eau vive qui se repose, un moment, au reflet d'un rameau ; la chanson de la branche qui frissonne et qui danse délivrée du poids amoureux d'un oiseau ; la secrète chanson berçant l'ombre bleuâtre du lis défaillant de promesse printanière, qui attend, pour fleurir, un signe de l'azur.
Non, non, anuèit vòli fugir l'ostal ! Vòli lo fial de lum que s'estira suls camps Quand lo lauraire aluca un fuòc d'erbassas. O fial de fum, vèni ligar un raive, Un rave que m'escapa – coma tu, lial de fum – Per fugir cap a las estelas.
Louisa Paulin ("Sorgas")
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Fumée
Non, non, ce soir je veux fuir la maison ! Je veux le fil de fumée qui s'étire sur les champs Quand le laboureur allume un feu de mauvaises herbes. Ô fil de fumée, viens lier un rêve, Un rêve qui m'échappe comme toi, fil de fumée Pour fuir vers les étoiles.
Nouvelle année, année nouvelle, Dis-nous, qu’as-tu sous ton bonnet ? J’ai quatre demoiselles Toutes grandes et belles. La plus jeune est en dentelles. La seconde en épis. La cadette est en fruits, Et la dernière en neige. Voyez le beau cortège ! Nous chantons, nous dansons La ronde des saisons.
Des
classes se sont amusées ici à créer des comptines chantées à la manière
de ces deux chansons de Louisa Paulin. A vous de voir si...
En maternelle : http://www.perigord.com/asso/asco/pages/ecoles.htm
En Cycle 3 (CM) : http://www.ac-nancy-metz.fr/ia88/Lubine/chansons_pour_rire.htm
Madeleine Le Floch est une auteure contemporaine, qui a publié en 1975 "Petits contes verts pour le printemps et pour l'hiver".
Un recueil dans lequel elle joue avec les différents sens, les
à-peu-près et les homonymies du vert, pour l'écriture de (quand même !)
soixante-treize petits poèmes. En voici un échantillon :
Vers exclusif *
La mer en s'en allant écrivait sur le sable un poème
que le vent jaloux effaçait.
Madeleine Le Floch ("Petits contes verts pour le printemps et pour l'hiver" - Éditions Saint-Germain-des-Prés, 1975)
* Dans le recueil, ce texte porte le titre "Vert
exclusif". Puisqu'il s'agit d'un poème que la mer écrit jalousement,
est-ce une faute de frappe, ou faut-il titrer "Vers exclusifs" ?
Un poisson connaissait par cœur les noms de tous les autres poissons. Il connaissait les algues, les courants, les sédiments, les coquillages. C’était un érudit. Il exigeait d’ailleurs qu’on l’appelât «maître » ! Il savait tout de la mer Mais il ignorait tout de l’homme. Et un jour il se laissa prendre au bout d’un tout petit hameçon.
Madeleine Le Floch ("Petits contes verts pour le printemps et pour l'hiver" - Éditions Saint-Germain-des-Prés, 1975)
Les textes publiés n'ont pas tous fait l'objet d'une demande d' autorisation. Les ayants droit peuvent nous en demander le retrait.
"d'infinis paysages"
"Exprimer les liens profonds qui unissent l'homme à la nature, les célébrer ou les interroger est un des traits les plus constants de la poésie universelle. Mers et montagnes, îles et rivages, forêts et rivières, ciels, vents, soleils, déserts et collines, la plupart des poèmes porte comme un arrière-pays la mémoire des paysages vécus et traversés. Se reconnaître ainsi tributaire des infinis visages du monde, c'est sans doute, comme le voulait Hölderlin, habiter en poète sur la terre".
Jean-Pierre Siméon, directeur artistique du Printemps des Poètes
Dans cette page et les suivantes, des textes d'auteurs de langue française
Quelques pistes pour la création poétique accompagnent les textes Beaucoup d'autres sont rangées dans les catégories précédentes du Printemps des Poètes, et en particulier >> PRINT POÈTES 2009 : L'HUMOUR des poètes
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sommaire (cliquer sur le n° de page ou sur les textes souhaités)
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- page 1 (vous y êtes) : comptines, chansons... et A B -
comptines, chansons, haïkus
COMPTINES et CHANSONS HAÏKUS
auteurs de langue française
page 1 (vous y êtes) : Adrover à Besse
Claudia ADROVER - La Loire au plus près Corinne ALBAUT - Les gratte-ciel Pierre ALBERT-BIROT - Admiration ; Le jardin suspendu ; L'oreille fine ; Poème-pancarte Guillaume APOLLINAIRE - Automne ; Automne malade ; Saltimbanques Marc ALYN - Un printemps tout neuf ; Bulletin de santé Paul ARÈNE- Paysage ; Chronique d'automne Théodore de BANVILLE - À la Forêt de Fontainebleau ; L'hiver Charles BAUDELAIRE - L'étranger : L'Homme et la mer ; Invitation au voyage ; Harmonie du soir ; Le coucher de soleil romantique ; Le soleil ; Paysage Pierre BÉARN - Usine de campagne Luc BÉRIMONT- La nuit d'aube ; Comme des eaux qui se dénouent ; Je t'attends aux grilles des routes Michel BESNIER - Mes résidences Robert BESSE - L'arc-en-ciel ; Le lézard
Annie Salager
est une romancière et poète contemporaine, auteure également de récits
et de traductions de textes espagnols (des poésies essentiellement). Son dernier recueil est paru en 2009 : "Aimez-vous la mer, le tango - Tango und Meer"
(Éditions En Forêt/Verlag Im Wald bilingue allemand-français). On
trouvera sur son site d'autres poèmes, des éléments de biographie et une
bibliographie : http://perso.numericable.fr/asalager/
"Le poème nous mêle à la lumière, la poésie comme la biologie portent à l'admiration du vivant" (A Salager).
Oyats
à F-J. Temple
J'aurais
seulement besoin des oyats sur les dunes éclairés par les lis et
d'une cuillerée d'amour pour marcher sur les flots agités d'une
illusion de temps et d'un safran de rire
Tant
d'années sans eux les lis le léger inconfort des étangs les
vieilles cabanes de pêcheurs les canaux les roselières l'ennui
pour eux de n'être pas la mer soudain un champ de saladelles je
gémis attachée au train je guette le mistral les flamants roses je
veux les lis de mer les lieux d'exil terre ni mer où travaille
l'instable le néant de l'être fouetté par-dessus tête des courtes
vagues du désir et tout ce poids du temps réduit à rien
Où j’aime tomber mais dans l’odeur des roses les lis de mer la
lumière et le piercing des martinets ou encore dans nos traces
de silence après le bruit où aurais-je aimé vivre mais dans l’air
la canopée au milieu des poissons colorés finalement où juste un
vivre de lumière j’aurais aimé.
Annie Salager
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Un extrait de son dernier recueil :
Aimez-vous la mer ?(extrait)
J’entends la mer balayer le rivage
entrer dans la chambre
la rumeur du sablier
le ciel est noir d’étoiles
d’infinis lis en poussière de mer
la nuit me peuple
j’ai soif d’eux
dans les senteurs du maquis
l’instant du vivre
tient en haleine.
[...]
Annie Salager ("Aimez-vous
la mer, le tango - Tango und Meer", Éditions En Forêt/Verlag Im
Wald - bilingue allemand-français)
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Et enfin deux poèmes proposés dans la "poéthèque" du site du Printemps des Poètes à cette adresse : http://www.printempsdespoetes.com
Tu cours superbe, ô Rhosne, flourissant
Tu cours superbe, ô Rhosne, flourissant Les bords imaginaires du voyage les rives vertes où l'on s'use en passant aux tourbillons, aux rhombes des nuages. Ton couteau nu entraîne nos images de vie si promptes à rejoindre les puits où demain les noiera d'une eau d'oubli et là s'apaiseront les jours amers quand jusqu'à l'os léchés nos mots blanchis seront le temps qui pose sur la mer.
Annie Salager ("Printemps des Poètes 2005" - "Hommage à Maurice Scève, sa Délie aux quatre cent quarante neuf dizains décasyllabiques, rimés en ABAB BC CDCD")
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"poéthèque" du Printemps des Poètes : http://www.printempsdespoetes.com
La mer (titre proposé)
Cousus ensemble à la lumière et aux cailloux, des corps d'algues
gigantesques imprégnaient l'horizon. Dressés, de lointains panneaux en
plastique bleu arrêtaient le bruit quand on glissait le long d'eux,
comme le plongeur de Paestum* dans le monde souterrain qui s'ouvre pour
lui au creux des vagues. C'était la mer avec sa hache d'infini. Elle
fend l'oeil et la tête, nettoie les paroles, pénètre violemment la
mémoire. Son feu est-il celui de Cassandre ? Clos sur ses
Méditerranées, qui en regarde la roue peut voir ses propres vies dans
le vent solaire danser et disparaître.
*Paestum
: cité grecque située en Italie du sud (Campanie), appelée
aujourd'hui Poseidonia, et classée au patrimoine mondial de l'Unesco
depuis 1998
Albert Samain(1858-1900) est un de nos plus importants poètes symbolistes du XIXe siècle (voir Henri de Régnier).
Le texte original de ce long poème comporte 16 quatrains. Voici le
début du texte, dont on ne propose en général que les deux ou trois
premières strophes :
Mélancolie
Le vent tourbillonnant, qui rabat les volets, Là-bas tord la forêt comme une chevelure. Des troncs entrechoqués monte un puissant murmure, Pareil au bruit des mers, rouleuses de galets.
L'automne qui descend des collines voilées Fait, sous ses pas profonds, tressaillir notre cœur Et voici que s'afflige avec plus de ferveur Le tendre désespoir des roses envolées.
Le vol des guêpes d'or qui vibrait sans repos S'est tu : le pêne grince à la grille rouillée ; La tonnelle grelotte et la terre est mouillée, Et le linge blanc claque, éperdu, dans l'enclos.
Le jardin nu sourit comme une face aimée Qui vous dit longuement adieu, quand la mort vient ; Seul le son d'une enclume ou l'aboiement d'un chien Monte, mélancolique, à la vitre fermée.
[...]
Albert Samain ("Le Chariot d'Or" - Mercure de France, 1900)
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Chanson d'été
Le soleil brûlant Les fleurs qu'en allant Tu cueilles, Viens fuir son ardeur Sous la profondeur Des feuilles.
Cherchons les sentiers A demi frayés Où flotte, Comme dans la mer, Un demi-jour vert De grotte.
Des halliers touffus Un soupir confus S'éléve Si doux qu'on dirait Que c'est la forêt Qui rêve ...
Chante doucement ; Dans mon coeur d'amant J'adore Entendre ta voix Au calme du bois Sonore.
L'oiseau, d'un élan, Courbe, en s'envolant, La branche Sous l'ombrage obscur La source au flot pur S'épanche.
Viens t'asseoir au bord Où les boutons d'or Foisonnent ... Le vent sur les eaux Heurte les roseaux Qui sonnent.
Et demeure ainsi Toute au doux souci De plaire, Une rose aux dents, Et ton pied nu dans L'eau claire.
Albert Samain ("Au jardin de l'Infante", Mercure de France, 1903)
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J’aime l’aube aux pieds nus qui se coiffe de thym
J’aime l’aube aux pieds nus qui se coiffe de thym, Les coteaux violets qu’un pâle rayon dore, Et la persienne ouverte avec un bruit sonore, Pour boire le vent frais qui monte du jardin,
La grand’rue au village un dimanche matin, La vache au bord de l’eau toute rose d’aurore, La fille aux claires dents, la feuille humide encore, Et le divin cristal d’un bel oeil enfantin.
Mais je préfère une âme à l’ombre agenouillée, Les grands bois à l’automne et leur odeur mouillée, La route où tinte, au soir, un grelot de chevaux,
La lune dans la chambre à travers les rideaux, Une main pâle et douce et lente qui se pose, "Deux grands yeux pleins d’un feu triste" (1), et, sur toute chose
Une voix qui voudrait sangloter et qui n’ose …
Albert Samain ("Le Chariot d'Or" - Mercure de France, 1900) - (1) guillemets dans le texte original
Samivel(1907-1992) est difficile à classer : écrivain, poète, humoriste et illustrateur, et cinéaste-photographe autant que grand randonneur. ... Son talent est reconnu dans toutes ces activités. Il s'appelait pour l'état civil Paul Gayet-Tancrède. Son nom d'auteur est emprunté à Charles Dickens (Samivel, c'est Sam Weller dans "Les Aventures de Mr Pickwick").
Ci-dessus un dessin humoristique de Samivel (source : http://strictement-confidentiel.com/), qui a parcouru, décrit, romancé sa montagne des Alpes. Il a été avec d'autres le créateur du Parc National de la Vanoise, pour lequel il a écrit cette poésie en forme de code de bonne conduite :
La Vanoise
Voici l'Espace, voici l'air pur, voici le Silence Le Royaume des aurores intactes et des bêtes naïves Tout ce qui vous manque dans les villes Est ici préservé pour votre joie
Eaux libres, hommes libres Ici commence le pays de la liberté. La liberté de se bien conduire
Récoltez de beaux souvenirs mais ne cueillez pas les fleurs N'arrachez surtout pas les plantes : il pousserait des pierres ! Il faut beaucoup de brins d'herbe pour tisser un homme.
Ouvrez vos yeux et vos oreilles, fermez vos transistors Pas de bruit de moteur inutile, pas de klaxons Écoutez les musiques de la montagne.
Enterrez vos soucis et emmenez vos boites de conserves. Les papiers gras sont les cartes de visite des mufles.
Oiseaux, chevreuils, lapins, chamois Et tout ce petit peuple de poil et de plume Ont désormais besoin de vous pour survivre. Déclarez la paix aux animaux timides, Ne les troublez pas dans leurs affaires L'ennemi des bêtes est l'ennemi de la vie
Afin que les printemps futurs réjouissent encore vos enfants !
Quand l'automne en saison revient La forêt met sa robe rousse Et les glands tombent sur la mousse Où dansent en rond les lapins. Les souris font de grands festins Pendant que les champignons poussent. Ah ! Que la vie est douce, douce Quand automne en saison revient.
Samivel
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Les galets
Sur une plage de galets Que voit-on s’il vous plaît ? À perte de vue des galets Qui vous paraissent tous semblables. Mais regardez-y de plus près. Certains sont rond. D’autres carrés,
Or, grenat, jade, bigarrés… Dans ces foules incalculables Qui s’effondrent sous les orteils On en trouve pas deux pareils…
Il voit tous de même fabrique, Le Sot, jetant un regard hâtif. Mais le sage, plus attentif, Sait bien que chaque Être est unique
Samivel
Cécile Sauvage(1883-1927).
Le
jour(début du poème)
Levons-nous,
le jour bleu colle son front aux vitres, La note du coucou réveille
le printemps, Les rameaux folichons ont des gestes de pitres, Les
cloches de l'aurore agitent leurs battants. La nuit laisse en
fuyant sa pantoufle lunaire Traîner dans l'air mouillé plein de
sommeil encor Et derrière les monts cachant sa face claire Le
soleil indécis darde trois flèches d'or.
Souvent le coeur qu'on
croyait mort N'est qu'un animal endormi ; Un air qui souffle un
peu plus fort Va le réveiller à demi ; Un rameau tombant de sa
branche Le fait bondir sur ses jarrets Et, brillante, il voit
sur les prés Lui sourire la lune blanche.
Le brouillard fondu Prend les arbres nus Dans sa molle
haleine. Le jardin frileux Sous un voile bleu Se devine à
peine.
Le soleil blafard Résout le brouillard En perles
d’eau blanche Dont le tremblement Miroite et s’étend À toutes
les branches. …...
L’azur d’un soir gris. Un vague
arc-en-ciel s’allonge et verdit Sur la côte obscure ; Sa courbe
légère et rose grandit De plus en plus pure. À l’endroit où l’arc
suave incliné Rejoint la colline, Les arbres d’hiver prennent sa
clarté, Dans leurs branches fines.
Un oiseau chante comme une
eau Sur des cailloux et des pervenches. Quelle odeur de printemps
s’épanche De cette pure voix d’oiseau ! ……
La lune pâle, rêveuse Et
transparente à demi, Glisse sur la vaporeuse Douceur d’un ciel
endormi. Dans les branches dénudées Et si grêles d’un bouleau Une
lueur irisée Incline ses calmes eaux. C’est l’hiver et sa
tristesse Avec de muets oiseaux Se berçant à la sveltesse Sans
feuillage des rameaux. ……
J’ai vu ce matin la lune Pâle dans les
longs bouleaux Et cette image importune Reviendra dans mon
cerveau. Elle viendra persistante Comme un avertissement Dans
un rêve qui me hante, Et j’ai le bref sentiment Qu’au jour de ma
destinée Dans un bouleau langoureux Luiront nettement les feux De
cette lune obstinée. ……
La ville sous la fumée Du soir et
des cheminées Flotte en un rêve étranger Et s’efface. Son église De
fines colonnes grises, Pareilles aux pins légers, Sur le fond de
la colline Grandit, sans âge et divine Dans le soir désespéré.
Dans
l’herbe trottine un chien, Une brindille remue, Un oiseau fuit et
plus rien Ne bouge sur l’avenue. ……
Je ne veux qu’un rêve À
demi-flottant, Que mon âme brève Passe en voletant, Que la
brume fine L’enveloppe aussi ; Qu’elle s’achemine Sans autre
souci Que celui d’errer Avec une brise, Sur l’arbre léger, Sur
la terre grise.
Cécile Sauvage ("Fumées")
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Charles Cros (1842–1888) est un poète français ("Le Collier de
griffes", "Le Coffret de santal") méconnu de ses
contemporains et quelque peu oublié aujourd'hui. Il reste quand même son
hareng saur, sec, sec, sec, qui se balance aux murs des écoles. Charles
Cros est aussi un inventeur dépossédé : qui sait ce qu'il a apporté à
la photographie ? Et le phonographe, qu'il avait théorisé, a été réalisé
par Thomas Edison.
On observera que les paysages qu'aime Charles Cros sont, à l'image du personnage et de son oeuvre, surprenants :
Songe d'été
À d’autres les ciels bleus ou les ciels tourmentés, La neige des
hivers, le parfum des étés, Les monts où vous grimpez, fiertés
aventurières Des Anglaises. Mes yeux aiment mieux les clairières Où
la charcuterie a laissé ses papiers, Les sentiers où l’on sent encor
l’odeur des pieds Des soldats avec leurs payses, la presqu’île De
Gennevilliers, où croît l’asperge tranquille Sous l’irrigation
puante des égouts... On ne dispute pas des couleurs ni des goûts.
Charles Cros ("Le Coffret de santal", 1873 - Gallimard
poésie 1972)
Lise Deharme (1907-1981), est une romancière et poétesse française,
proche d'André Breton et des Surréalistes. On trouvera ses d'autres textes de cette auteure sur le blog ici : l'humour de Lise Deharme et ici : des femmes poètes
Le pêcheur endormi
La ligne d'or danse sur l'eau : de chaque rayon sort un oiseau.
Pêcheur qui dort abasourdi croit que le lac est plein de nids.
Lise Deharme ("Cahiers de curieuse
personne" - éditions des Cahiers libres, 1933)
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Un paysage-visage *. De quoi donner des idées de création plastique autrement qu'à la
Arcimboldo, non ? ...
Curieuse
Tes
cheveux sont des araignées noires et griffues ton front un désert de
sable blond ton nez une vague de son tes dents ont faim ta
bouche est fine ton menton une colline aiguë mais tes yeux sont
deux cratères de lave et de gouffres ouverts semés d'étincelles
et de feu Tes yeux sont deux mondes perdus.
Lise Deharme ("Le coeur de Pic" - photographies de Claude
Cahun - éditions Corti, 1937 et Éditions MeMo, 2004)
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* Ce poème me renvoie à une chanson qu'interprétait Claude Vinci, à contre-courant, dans les années 60, et dont l'auteur, qui l'a chantée lui aussi, est sans doute Max Rongier.* On y trouve le mot "censure", qui n'est pas une coquetterie de langage, mais une réalité de ce temps là ... * ce texte sera rangé dans un paragraphe "Max Rongier", s'il se confirme qu'il en est bien l'auteur... on compte sur vous ?
Ci-dessous, la pochette du 33 tours "Chansons pour vivre", qui contient "Ta chanson", jamais réédité (aucun des deux CD de Claude Vinci ne reprend ce titre), c'est bien dommage. Le nom de l'auteur doit se trouver sur ce disque, mais là on ne peut proposer qu'une image, trouvée sur un site marchand d'occasion ...
Ta chanson *
Tes joues de près ce sont des plages Tes yeux des lacs, tout bêtement, Et ta bouche frileusement C'est une fabrique à nuages
Ton front c'est déjà la forêt Il y a peut-être des panthères Tes cheveux quel raz-de-marée Tout ruisselants de vrai mystère
Bref ton visage déluré C'est un monde Et je ne dis rien De ta poitrine censurée Dont je pense beaucoup de bien
Ce grain de beauté sur ton cou C'est un soleil en pleine éclipse Je n'ose le dire à mon goût Il brûle mes doigts et je glisse
Voici tes bras comme les branches De l'arbre de la tentation Tes mains vaudraient une passion Quand elles effleurent tes hanches
N'insistons pas et restons sages Nous chanterons à l'unisson Les secrets de tes paysages Ailleurs que dans une chanson.
Max Rongier (sous réserves, pour les paroles) - * pas de confusion, ce titre est aussi celui d'une chanson de Jean Ferrat. Ferrat, Max Rongier et Claude Vinci se connaissaient bien, ayant beaucoup d'idées "communes". Vinci a chanté Ferrat, mais les deux chansons n'ont en commun que leur titre.
La langue d'Oc, observeront les lecteurs
attentifs, est différente à l'oral et à l'écrit selon les régions (et
même à l'intérieur d'une même région). Témoin ces textes, de Provence et
de Languedoc.
Louisa Paulin, auteure bilingue, est présentée dans cette page, mais on rencontrera d'autres auteurs occitans ou provençaux d'expression française, dans la catégorie PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français
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Occitan
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Max Rouquette"est né en 1908 à Argelliers, près de Montpellier, dans un paysage
inoubliable et jamais oublié de bois de chênes verts sombres, de
garrigues colorées, de vignes tendrement odorantes et de figuiers
bibliques. Ce paysage est la clé de son écriture. Parce que c'est en ce
lieu, et en ce lieu seulement, que s'est effectuée la fusion des mots et
du monde. Max Rouquette a écrit en occitan (...) Tous les textes
de Max Rouquette résonnent de cette origine féconde. Ils en tirent
probablement leur sève unique, et cette faculté d'éblouissement, tissée
de beautés et d'angoisses, qui nous les rend communicables et si
précieux." (Philippe Gardy)
Les recueils de Max Rouquette sont épuisés, mais une réédition, sous le titre "Les Psaumes de la nuit / Los Saumes de la nuòch", est disponible aux éditions Obsidiane (1984) Cet ouvrage rassemble : "Somis dau matin", "Somis de la nuòch", "La Pietat dau matin", en édition bilingue. Max Rouquette a lui-même traduit ses poèmes en français.
C'est à l'adresse http://melior.univ-montp3.fr/slo/roqueta/fr/, où Philippe Gardy veille à la présence de Max Rouquette, que deux des poèmes qui suivent, Larzac et Comba de la trelha (Combe de la treille), ont été empruntés :
Larzac
DE LA TÈRRA sul cèu lo teunhe fiu ennevat per la flor de l’aleda partís ton camp peirós, ò feda, de las doças planas de Dieu ; e de mirar la lutz, abandonada, los uòlhs perduts, non te sovèn se siás encara a la tèrra mairala ò se caminas dins lo temps, dins lo temps blau, de nivols ennevadas, dins lo temps blau onte los jorns passats coma los jorns a venir son tas clars.
----- (traduction de l'auteur) -----
Larzac
LE FIL TÉNU de la terre sur le ciel enneigé par la fleur de l’asphodèle sépare ton champ pierreux, brebis, des douces plaines de Dieu ; et de contempler la lumière abandonnée, les yeux perdus, tu ne sais plus si tu es encore de la terre maternelle ou si tu chemines dans le temps, dans le temps bleu aux neigeuses nuées, dans le temps bleu où les jours du passé sont aussi clairs que les jours à venir.
Max Rouquette ("Sòmnis de la nuòch", Toulouse, Societat d’Estudis Occitans, 1942, réédité en 1984 : "Les psaumes de la nuit", éd Obsidiane -bilingue)
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Comba de la trelha
Lo MERLE que va d’una mata a l’autra mata e que seguís los vielhs camins, e que s’acata en lo bois e los romanins, sol poiriá dire amb la palomba e la mostèla e lo singlar tota la patz d’aquela comba.
----- (traduction de l'auteur) -----
Combe de la treille
Le MERLE qui va d’une touffe à l’autre touffe, et qui suit les vieux chemins, et qui se cache dans le buis et le romarin, seul pourrait dire avec la palombe et la belette et le sanglier, toute la paix de cette combe.
* une combe, en languedoc, est une petite vallée. On trouve ce terme dans des noms de villages ou des noms de famille (Lacombe)
Max Rouquette ("Los Sòmnis dau matin", Toulouse, Societat d’Estudis Occitans, 1937 (réédition 1963)
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Du même auteur, une jolie scène nocturne :
Lo sabaud
Perque sus uolhs s'enclausisson de luna clara dins lo ceu escur un sabaud de l'estiu, doçament nada dins l'aiga plana, miralh pur.
Mai naut que la mai nauta branca ela, que landa eternament davala e dins l'aiga, un moment dansa per el en rauba blanca.
Max Rouquette ("Los saumes de la nuoch" - éd Obsidiane -bilingue, 1984)
----- (traduction de l'auteur) -----
Le crapaud
Parce que ses yeux s'enchantent de la lune
claire dans le ciel obscur
un crapaud de l'été doucement nage
dans l'eau plane, pur miroir.
Plus haut que la plus haute branche
elle*, qui glisse éternellement,
descend, et dans l'eau un moment
danse pour lui en robe blanche.
Max Rouquette ("Les psaumes de la nuit" - éd Obsidiane -bilingue, 1984) - * la lune
Alan Pelhon (1946-1994) est né à Coaraze (Alpes-Maritimes), et c'est dans cette région qu"il a passé sa courte vie.
La jòia(titre proposé)
La jòia serà fuec Cant dau gal Parpalhon virolant d'aquí ailà Lutz esclapant la nuech Aiga fresca dau sorgent Mar breçolada per li gabians Solelh que s'escorre plan-plan En la mieu boca En una jòia que ren arresta
----- (traduction) -----
La joie
La joie sera feu Chant du coq Papillon pirouettant ça et là Lumière brisant la nuit Eau fraîche de la source Mer bercée par les mouettes Soleil qui ruisselle doucement Dans ma bouche Dans une joie que rien n'arrête
Alan Pelhon ("Vi devi parlar"/"Je dois parler") - éditions La Dralha, 2004.
Louisa Paulin(1888-1944), Loïza Paulin en occitan (1888-1944) a vécu dans le Tarn,
où elle fut institutrice. Elle a d'abord écrit ses poèmes uniquement en
français, puis en français et en occitan. “Je
me suis mise à la langue d'Oc par repentir d'avoir si longtemps ignoré
mon pays et peut-être de l'avoir un peu méprisé”.
On
trouvera sur le site des éditions Vent Terral, des recueils bilingues
qu'on peut commander (2 € de frais de port seulement). Mais qu'est-ce
qu'on attend ? C'est ici (copier-coller) : http://www.ventterral.com/tema/ome.php?lien=tema#louisa
Silenci de l'auton
Silenci de l'auton quand lo vent s'es pausat doç coma una pluma de palomba escapada de la negra man del caçaire. Silenci saure de l'auton ont s'ausis la darrièra vèspa e lo mai escondut al plus prigond del còr.
----- (traduction de l'auteure) -----
Silence de l'automne
Silence de l'automne quand le vent s'est posé, doux comme une plume de palombe échappée de la noire main du chasseur. Silence blond de l'automne où l'on entend la dernière guêpe et le plus caché au plus profond du cœur.
Louisa Paulin ("Direm a la nòstra nena", Vent Terral, 1994, bilingue)
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À partir du texte occitan, une version non autorisée de ce poème, très
légèrement différente (avec tout le respect qu'on doit à la mémoire de
Louisa Paulin).
Pour rétablir dans le deuxième vers l'ordre naturel
adjectif-nom substantif ("negra man" peut se dire plus naturellement
"main noire"), et surtout éviter la répétition dans le dernier vers,
absente en occitan. Mais on chipote peut-être :
Silence de l'automne
Silence de l'automne quand le vent s'est posé, doux
comme une plume de palombe échappée de la main noire du chasseur. Silence
blond de l'automne où l'on entend la dernière guêpe et ce qui est caché au plus profond du cœur.
Vèni, ausirem, anuèit, la Cançon del
silenci, la cançon que comença, quand s'escantís, la nuèit, lo
cant del rossinhòl ; la cançon que s'ausís al doç cresc de l'erbeta, la
cançon de l'aigueta que se pausa, un moment, al rebat d'un ramèl ; la
cançon de la branca que fernís e que dança desliurada del pes
amorós d'un ausèl ; la secreta conçon breçant l'ombra blavenca del
lir còrfondut de promessa maienca, qu'espèra, per florir, un signe
del azur.
----- (traduction de l'auteure) -----
La
chanson du silence
Viens, nous entendrons, ce soir, la
chanson du silence, la chanson qui commence, quand s'achève, la
nuit, le chant du rossignol ; la chanson qu'on entend à la douce
croissance de l'herbe, la chanson de l'eau vive qui se repose, un
moment, au reflet d'un rameau ; la chanson de la branche qui
frissonne et qui danse délivrée du poids amoureux d'un oiseau ; la
secrète chanson berçant l'ombre bleuâtre du lis défaillant de
promesse printanière, qui attend, pour fleurir, un signe de l'azur.
Louisa Paulin ("Chants d'amour et de paix" - "Les Amis de Louisa Paulin",
1998) - Aux éditions Vent Terral,
les recueils de Louisa Paulin ont été réédités.
Non, non, anuèit vòli fugir l'ostal ! Vòli
lo fial de lum que s'estira suls camps Quand lo lauraire aluca un
fuòc d'erbassas. O fial de fum, vèni ligar un raive, Un rave que
m'escapa – coma tu, lial de fum – Per fugir cap a las estelas.
----- (traduction de l'auteure) -----
Fumée
Non, non,
ce soir je veux fuir la maison ! Je veux le fil de fumée qui s'étire
sur les champs Quand le laboureur allume un feu de mauvaises herbes. Ô
fil de fumée, viens lier un rêve, Un rêve qui m'échappe comme
toi, fil de fumée Pour fuir vers les étoiles.
Louisa Paulin ("Sorgas- Sources", Bibliothèque de la Revue du Tarn, Édouard Privat, 1940 et "Poèmes", Éditions de la Revue du Tarn, 1969) - Aux éditions Vent Terral,
les recueils de Louisa Paulin ont été réédités)
Jean Boudou ouJoan Bodon
(1920-1975), instituteur aveyronnais, est considéré comme le plus grand
des poètes du Languedoc. Il est l'auteur de romans et de poésies en
occitan, exclusivement.
Recueil le plus connu : Sus la mar de las galèras (Sur la mer des galères), dont on peut trouver le texte intégral ici (format pdf mais non traduit)
Alba de Pigala
Cercavi fortuna, la trobèri lèu; Aquela nuèch blanca tombava de nèu. Canti çò que canti, plore lo que vòl... Mas per cridar l’alba cal un rossinhòl.
Gardèt los debasses e lo casabèc: De què ne pensavas, Tolosa-Lautrèc ? Sus una flaçada, sens cap de lençòl ... Mas per cridar l’alba cal un rossinhòl.
Qu’es aquela trèva que totjorn me sèc ? Lautrèc es Tolosa: lo comte bufèc ... Quand l’amor se paga per un blavairòl. Mas per cridar l’alba cal un rossinhòl.
Al fons de la prada sabi lo pibol, Sabi la montanha ... Caminarai sol. La fortuna vira que me ten pel còl. Mas per cridar l’alba cal un rossinhòl.
Joan Bodon
----- (traduction proposée par le blog lieucommun) -----
L'aube de Pigala
Je cherchais fortune, la trouvai bientôt, Cette nuit blanche où tombait la neige. Je chante ce que je chante, pleure qui veut Mais pour appeler l'aube il faut un rossignol ...
...
Au fond de la prairie je sais le peuplier, Je sais la montagne ... seul, je marcherai La fortune tourne qui me tient par le cou. Mais pour appeler l'aube il faut un rossignol ...
Ce texte est chanté en occitan par Mans de Breish, tout comme le suivant.La libre traduction de la première et de la dernière strophe est proposée par le blog.
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Alba d'Occitania (extrait) Aube d'Occitanie
La nuèch e la pluèja e lo gèl La nuit et la pluie et le gel Pas una estela dins lo cèl Pas une étoile dans le ciel Quora tornara l'alba ? Quand viendra l'aube ? Encara canta pas l'aucèl L'oiseau ne chante pas encore Quora tornara l'alba ? Quand viendra l'aube ?
Una nuèch longa sens amor Une longue nuit sans amour Lo rosal plora sus la flor Le rosier pleure sur la fleur Quora tornara l'alba ? Quand viendra l'aube ? S'entrevesiam una lusor ... On entrevoit une lueur ...
Paraulas de Joan Bodon, Cantat per Mans de Breish Paroles de Joan Bodon, Chanté par Mans de Breish traduction Lieucommun
------- Provençal -------
Frédéric Mistral (1830-1914) est un écrivain et
poète provençal, prix Nobel de littérature en 1904.Il fonde en 1854 avec
d'autres poètes provençaux, le Félibrige, pour défendre les cultures régionales traditionnelles et la langue occitane.
"Les arbres aux racines profondes sont ceux qui montent haut" Frédéric Mistral
Voici une petite fable, avec un rossignol dans le paysage :
Lou gripo-roussignòu
Au mes de mai, sus uno busco.
Lou roussignòu, plegant lis iue,
S'èro endourmi dedins la niue ;
Mai lou rejit d'uno lambrusco
Dins sa vediho l'arrapè
E lou vaqui pres pèr li ped. ... (suite du texte en cliquant sur l'image ci-contre >)
Frédéric Mistral ("Lis òulivado")
Le grippe-rossignol
Au mois de mai, sur une branche,
Le rossignol, clignant des yeux,
S'était endormi dans la nuit ;
Mais le jet d'une vigne folle
Le saisit dans sa vrille,
Et le voilà pris par les pieds. ... (suite de la traduction en cliquant sur l'image ci-contre >)
Frédéric Mistral ("Les Olivades") en français par l'auteur.
Sextius Michel1827-1906) est né à Sénas (Provence). Il "monte à Paris", avec ses premiers poèmes et préside les félibres (voir ci-dessus Frédéric Mistral) de Paris, puis devient maire du XVe arrondissement, de 1871 à sa mort. Il
est le fondateur d'une des premières Caisses des écoles de Paris, pour
financer les cantines scolaires, d'une colonie de vacances, ainsi que
d'une mutualité scolaire (en 1900).
Cette légende a pour cadre un château :
Les hirondelles(légende)
Les hirondelles ont fait leur nid
dans la toiture ensoleillée
d'un petit château. L'aube rit
aux piaulements de la nichée.
Vivait dans ce paradis
une charmante dame adorée
d'un galant jouvenceau du pays.
Oh ! Quels tendres embrassements !
Un jour, crime ou folie,
on la trouva morte dans son lit,
la jeune dame, hélas ! toute seule.
L'amant avait disparu.
Revient l'été avec le ciel bleu,
mais ne reviennent pas les hirondelles.
Sextius Michel ("Le long du Rhône et de la mer") ("Long dóu Rose e de la mar" - Flammarion et Roumanillo 1892)
... (lire la traduction du poème "Li dindouleto" en cliquant sur l'image ci-contre >)
"Ce n’est pas seulement un question de géographie, c’est une question de paysage mental... Il faut sortir, approfondir les lieux, ouvrir l’espace. Écrire la lumière qui passe." ("Le Rôdeur des confins" - éditions Albin Michel, 2006)
Kenneth White - "Terre de diamant "(Les
Cahiers Rouges, Grasset, 1983)
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"Pourquoi écrire ? Pour ne pas devenir fou de cette ivresse blanche qui
est le sang de l'écriture" Kenneth White
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Dans son essai"Une stratégie paradoxale" *, Kenneth White écrit : "J'aime la définition que donne Élie Faure du poète : Le poète ne s'attache à aucun port, mais poursuit une forme qui vole à travers la tempête et se perd sans cesse dans un perpétuel devenir". Kenneth White poursuit : ..."étant donné l'ambiance nationaliste post-totalitaire que nous connaissons, le complexe, voire l'idéologie identitaires qui sévissent, créent une première série de difficultés. J'ai personnellement renoncé à toute identité de ce genre, et les réputations locales (ces "représentants culturels" de telle ou telle nation, sans parler de telle ou telle région) me font sourire"... *"Une stratégie paradoxale, essais de résistance culturelle" (Presses Universitaires de Bordeaux, 1998)
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Kenneth White est né en 1936. Il vit en France depuis une trentaine d'années, actuellement à Trébeurden, village breton du Trégor, sur la côte de Granit rose. Lieu qui le rapproche sans doute de son Écosse natale, la région de Glasgow. Kenneth White étudie la littérature et la philosophie en Allemagne, vit un temps à Paris, puis en Ardèche, avant un premier retour à Glasgow, où il enseigne la poésie et la littérature à l'Université, là-même où il a été étudiant. En 1967, il s'installe au Pays basque français, base de multiples voyages, essentiellement en Extrème-Orient... Poète, écrivain, essayiste, philosophe (mais en recherche permanente), actif et voyageur, il est l'inventeur de la "géopoétique", et fonde en 1989, l’Institut international de géopoétique : "Tout a commencé pour moi dans un territoire de vingt kilomètres carrés sur la côte ouest de l’Écosse, et dans un rapport direct avec les choses de la nature. [...] Afin de renouveler et d’étendre mon expérience initiale radicale, j’ai traversé divers territoires, toujours dans le but d’amplifier mon sens et ma connaissance des choses. Et je continue à le faire, car il ne faut jamais perdre le contact entre l’idée et la sensation, la pensée et l’émotion". On lira sur son site la présentation de cette "théorie-pratique transdisciplinaire applicable à tous les domaines de la vie et de la recherche, qui a pour but de rétablir et d’enrichir le rapport Homme-Terre depuis longtemps rompu"...
Bien que maîtrisant parfaitement notre langue, c'est en anglais que Kenneth White rédige son oeuvre poétique et ses récits. Avec Marie-Claude White, son épouse, avec Philippe Jaworski et d'autres traducteurs, il participe lui aussi à l'adaptation en français(voir la bibliographie succinte et subjective
ci-dessous). La plupart de ses ouvrages publiés en France le sont en édition bilingue.
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éléments de bibliographie
Poésie (texte original en anglais sauf *) : En toute candeur
(édition bilingue - traduction de Pierre Leyris - Mercure de France, 1964) Le Grand rivage
(édition bilingue - traduction de Patrick Guyon, Marie-Claude White et Kenneth White - Les Éditions du Nouveau Commerce, 1980) Scènes d'un monde flottant
(édition bilingue - traduction
de Marie-Claude White - éditions Grasset,
1983) Terre de diamant (édition bilingue - traduction de Pierre Jaworsky et Marie-Claude White - Grasset, 1983) Atlantica
(édition bilingue - traduction de Marie-Claude White - Grasset, 1986) *L'Anorak du goéland, haïkus (L’Instant Perpétuel, 1986) Les Rives du silence
(édition bilingue - traduction de Marie-Claude White - Mercure de France, 1997) Limites et marges
(édition bilingue - traduction de Marie-Claude White - Mercure de France, 2000) Le Passage extérieur
(édition bilingue - traduction de Marie-Claude White - Mercure de France, 2005) Un monde ouvert - Anthologie personnelle, édition en français, dans laquelle on retrouve des textes de la plupart des recueils précédents (traducteurs cités - Poésie/Gallimard, 2007).
Récits : Lettres de Gourgoumel (édition bilingue - traduction de Gil et Marie Jouanard - Presses d'Aujourd'hui, 1980 et Grasset et Fasquelle, 1979) Le Visage du vent d’est, voyage en Chine (édition bilingue - traduction de Marie-Claude White - Presses d'Aujourd'hui, 1980) La Route bleue, voyage au Canada, Québec, Labrador (édition bilingue - traduction de Marie-Claude White - Grasset et Fasquelle, 1983 - prix Médicis) Les Cygnes sauvages, voyage au Japon (édition bilingue - traduction de Marie-Claude White - Grasset, 1990) La Maison des Marées (édition bilingue - traduction de Marie-Claude White - Albin Michel, 2005) Le Rôdeur des confins (édition bilingue - traduction de Marie-Claude White - Albin Michel, 2006).
Essais (écrits en français par l'auteur) : La Figure du dehors (Grasset,
1982) L'Esprit nomade (Grasset,
1987) Le Plateau de l'albatros -
Introduction à la géopoétique (Grasset,
1994) Une stratégie paradoxale, essais de résistance culturelle (Presses Universitaires de Bordeaux,
1998).
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Sciure de neige
Neige Sciure D'anciennes forêts jetées bas Les branches qui naguère Portaient l'espoir de mon vagabondage Ne désignent plus Le lointain rivage Où le soleil Attendait que j'advienne
Tous les sentiers sont recouverts Et ce qui était par delà est mort
Plus rien Hors moi Qui tombe Sciure Neige
Kenneth
White ("En toute candeur", chapitre "Poèmes du
Monde blanc", traduction de Pierre Leyris - Mercure de France, collection "Domaine anglais", 1964)
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Pierre Leyris, dans ce recueil bilingue, en donne la version française, dans une adaptation non littérale, avec une modification de disposition. Voici le poème original de Kenneth White, en anglais :
Snowdust
Snow sawdust of ancient forests branches that held the hopes of my wandering now no more point to the distant shore where the sun awaited my advent
now all the paths are hid and what was beyond is dead
there is only the presence of me falling sawdust snow
Kenneth White
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Autre texte du même recueil, suivi de la traduction de Pierre Leyris :
Vers l'hiver
Vienne à présent l'hiver
Ciel chargé comme un bœuf Froide écume aux rivières Nudité de la lande Brume dans la forêt Vienne à présent l'hiver
La bleue foulée des bêtes Dans la neige qui fond Le soleil fourbi (1) dur Des oiseaux et des baies L'ombre couleur de bronze L'eau mince et glaciale La croûte noire de la terre L'éclat blême de la roche Vienne à présent l'hiver
des algues sur la lune Le vent herse le golfe Les îles luisent dans la brume Je pêche dans les eaux froides Ma barque est noir-goudron Et les tolets (2) fourchus Grincent sous l'aviron
Vienne à présent l'hiver
Kenneth
White ("En toute candeur", chapitre "Poèmes du Monde blanc", traduction de Pierre Leyris - Mercure de France, 1964) - (1) sic - (2) Pierre Leyris a traduit "the sun polished hard" par "fourbi dur", donc rendu brillant, mais d'un aspect froid et dur - (3) supports de l'aviron à l'arrière de la barque
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Texte original du poème de
Kenneth White, en anglais :
Near winter
Let winter now come
ox-laden sky cold spume of rivers nakedness of moors mist in the forest let winter now come
the spoor of animals blue melting in the snow th sun polished hard birds and berries bronzen shadow water icy and thin black crust of the earth hoar glint of stone let winter now come
seaweed covers the moon wind harrows the firth the islands glint in fog I fish in cold waters my boat black as tar the horned rowlocks creak to the oar
let winter now come
Kenneth White
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Extrait de la présentation de son récit de voyage au
Japon "Les Cygnes sauvages", par Kenneth
White sur son site (adresse ci-dessus) :
1
Brume chaude et blanche sur la baie
une vieille jonque s'éloigne
pesamment -
quelque chose aimerait voir durer cette paix ...
mais le jour s'est levé : grues qui tournent,
gens qui se pressent, moteurs qui toussent,
sirènes qui hurlent, téléphones qui sonnent -
Hong Kong quitte ses rêves pour faire de l'argent
2
Coup d'oeil sur le marché aux poissons :
le soleil rouge fait chatoyer
les gros-yeux, les brèmes, les raies
les requins, les barracudas et les serpents de mer
alors qu'une fumée bleue monte des bâtons d'encens
allumés par des pêcheurs las
pour remercier la Reine du Ciel de sa bonté et
d'un retour sains et saufs au port des Parfums
Kenneth White ("Scènes d'un monde
flottant", traduction
de Marie-Claude White - éditions Grasset,
1983)
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Extrait de la présentation de son récit de voyage au Japon "Les Cygnes sauvages", par Kenneth White sur son site (adresse ci-dessus) : "Depuis quelque temps, l'idée mûrissait dans mon esprit d'une virée au Japon, qui serait un pélerinage géopoétique de plus : un hommage aux choses du Japon (choses précieuses et précaires) et un voyage-haïku dans le sillage de Basho*, un récit rêveur de routes et d'îles, un plongeon elliptique dans le Vide – bref, un petit livre nippon extravagant, plein d'images et de pensées zigzaguantes, écrit dans le « style blanc volant », comme disent les peintres. [...]
Un passage :
Il n'y avait pas beaucoup de mouettes sur la Sumida ce matin d'octobre quand je suis allé visiter l'ermitage de Basho, mais il y en avait une, ce qui fut pour moi l'occasion d'écrire ce petit haïku :
Ce matin-là sur les eaux de la Sumida une mouette solitaire
Kenneth White ("Les Cygnes sauvages" - traduit de l'anglais par Marie-Claude White - éditions Grasset 1990) *Basho (Bashō Matsuo, 1644-1694) est le plus connu des auteurs japonais de haïkus "classiques". Voir en page 1 de la catégorie PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français, sous le sommaire, la rubrique HAÏKUS.
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Deux autres haïkus, avec le texte original et la traduction de Marie-Claude White :
Rannoch Moor
Dark heather wisp of wool buzzing fly.
La lande de Rannoch
Bruyère brune touffe de laine mouche qui bourdonne ----------
Winter Morning Train
Between Béziers and Narbonne vineyards under frost and a big red sun running mad on the horizon.
Dans le train, un matin d'hiver
"Autonome et émancipé, il va de-ci de-là, comme une feuille au vent des Samskara". ("Astavakra Gita" *)
Entre Béziers et Narbonne vignes sous le givre et un gros soleil rouge qui court, ivre, sur l'horizon.
Kenneth White ("Terre de diamant", traduction
de Pierre Jaworsky et Marie-Claude White - Grasset, 1983) *la citation de K.W. fait référence au livre de poèmes d'Alexandra David-Neel
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Poèmes courts en forme de haïku :
(sans
titre)
Au-dessus des herbes deux
papillons
blancs papillonnant. Plage blanche un matin d'été la
mer
qui monte à travers la brume.
Kenneth
White ("L'Anorak du goéland, haïkus" - L’Instant Perpétuel, 1986)
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Lumière du
matin
Alors que j'écris ceci un héron gris se
tient immobile dans la première lumière du matin à
Loch Sunart.
Kenneth
White ("Terre de diamant", traduction
de Pierre Leyris et Kenneth White - Grasset, 1983)
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Retrouvailles avec
la rivière
Fin d'après-midi à Govan au
confluent de la Clyde et de la Kelvin pluie sur la pierre
morne
flottant sur les eaux froides et noires un cygne solitaire.
Kenneth
White ("Le Passage extérieur", traduction de Marie-Claude
White - Mercure de France,
2005) *
La Clyde est le fleuve qui traverse Glasgow, la plus grande ville d’Écosse et u port de commerce transatlantique important. Govan, en aval, au confluent avec la Kevin, est une banlieue de Glasgow.
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Image de Bretagne, quand sous le regard du poète, un autre paysage se dessine à l'horizon :
Deux lettres de Bretagne (extraits)
1. Sur la route de Gwenadur (début du poème)
Sous un ciel aux nuages pressés l'automne prend fin
la mer là-bas gris-vert piquetée d'éclats blancs
[...]
2. En ce lieu maintenant
Colloque à La Hague : "en 1900 l'Himalaya avait 10 000 glaciers à présent 2000 de moins
au cours du dernier siècle et demi la masse glaciaire des Alpes s'est réduite de moitié
les glaciers de l'Alaska ont diminué de vingt pour cent ces cinquante dernières années"
ils disent que la planète se réchauffe ils prévoient des tempêtes et des inondations
de nombreuses terres basses vont disparaître
assis en ce lieu sur un promontoire rocheux de l'Europe je regarde passer les nuages et j'écoute la rumeur de la mer
Kenneth
White ("Le Passage extérieur", traduction de Marie-Claude
White - Mercure de France,
2005)
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Deux passages consécutifs du recueil "Le Grand rivage", qui comporte 53 parties numérotées :
Le Grand rivage (titre du recueil)
[...]
13
comme au détour du sentier dans le bois d'avril: ce monde concentré complexe fortuit trempé de lumière terre pierres herbe mouillée et les rouges branches de l'aubépine - dehors rien que landes nues âpres vallées glaciaires
14
ou comme ce champ de fleurs des Alpes sur les hauteurs de Ben Lawers * : saxifrages pensées sauvages gentianes anémones des bois roses des montagnes compagnons angéliques soucis - assemblage unique dû à une série de coÏncidences une petite couche de roche idéale bien minéralisée pas trop acide comme les couches voisines sur des monts si élevés que des souches précaires ont subsisté là depuis la fin des glaciers : les plantes se sont établies dans une faille leurs racines ont crevé le roc lentement leurs pousses et leurs feuilles ont enfermé des fragments de pierre portés par le vent ou entraînés par les eaux et la terre s'est accumulée les fleurs y trouvent substance et la beauté croît
[...]
Kenneth
White ("Le Grand rivage", traduction de Patrick Guyon, Marie-Claude White et Kenneth White - Les
Éditions du Nouveau Commerce, 1980) * La montagne du Ben Lawers, au nord de Glasgow, région natale de l'auteur, est renommée pour ses plantes alpines.
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Finisterra ou La logique de la baie de Lannion(extraits)
C'est dans la forme des caps c'est dans la façon qu'ont les vagues de se briser sur la côte (avec un long et lent chpouf contre les rocs) c'est dans la lumière changeante c'est dans le clair silence de ce matin d'avril
là-bas au Yaudet
[...] on peut voir le Léguer (qui rappelle la Loire ainsi que toutes les autres eaux ligures) courir vers son estuaire dans l'éclat bleu-vert de ses eaux
après cela marcher sur le chemin côtier depuis, disons, la vallée de Goaslagorn jusqu'à la plage de Pors Mabo c'est aller entre fleurs et flots cherchant quelle blancheur ajouter à ces blancheurs
[...] les avancées qui viennent à l'esprit sont le Dourven (au large, le naufrage de l'Azalée) Bihit qui cache à la vue l'île de Milo
[...] et tout au loin perdu dans la brume et la lumière Roscoff, la fin des terres
épines, pins et bruyères ajoncs et genêts dévalent vers l'anse sableuse des plages et c'est un grand arc de terre indiquant l'Atlantique qui s'étend, là, devant soi
[...] – Je me contente de regarder.
de regarder ce lieu de regarder dans ce lieu et tout à la fois dans les circuits de mon cerveau
dans les aubes de l'été dans les soirs dorés de l'automne dans les brumes glacées de l'hiver
[...] en homme qui a étudié la grammaire du granit j'ai marché en ce lieu en homme qui voudrait faire l'équation entre paysage et pensée j'ai marché en ce lieu en homme qui aime les voies et les vagues du silence j'ai marché en ce lieu
qui sait, peut-être dans les temps futurs un peu après la dernière catastrophe un touriste curieux venu de l'espace marchera-t-il sur ce même sentier conscient de mon fantôme : toujours ici à suivre les lignes toujours à regarder dans la lumière.
Kenneth White ("Les Rives du Silence", traduction de Marie-Claude White - Mercure de France,
1997)
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Marée basse à Landrellec
1. Mer pleine encore
mouettes immaculées sur les hauts promontoires
calme océanique.
2. Lente, très lente la mer quitte les rochers
laissant une frange d’algues archaïques
qu’un corbeau avide fourrage avec fièvre.
3. Les sables à présent dénudés tantôt lisses, tantôt cannelés
la mer un scintillement bleu au loin long après-midi de silence
brisé seulement par le cri des goélands
4. Plus bas entre les rochers étrange vie marine
baroque beauté
cette éruption de rugueuses balanes
berniques
fermées comme des Chinois
Là-bas
bleue et noire
une épaisse plaque de moules
l'herbe ondulante des posidontes
5. Dans cette flaque tranquille
parmi les éponges jaune vert
les hydraires roses
et le bleu des mousses irlandaises
des crabes tâtonnent
de leurs pattes maladroites
6. Dans cette autre
gelées lunaires
Les vertes couronnes de chair
des anémones
une étoile hyperboréenne
7. Un crabe (de Jonas ?)
calé dans une crevasse
remuant ses antennes
attend
8. Murmure de la marée
qui remonte à présent
brissements blancs çà et là
le long de la baie
Soleil déclinant or froid
Kenneth
White ("Les Rives du Silence", traduction de Marie-Claude White - Mercure de France,
1997)
---------------------------------------- Wakan
This is beautiful, this is beautiful nothing is more beautiful than this
blue light breaking in the mountains moon going down through the rain
nothing is more beautiful than this.
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Wakan *
"J'ai senti quelque chose dans ma tête".
Que c’est beau, que c’est beau il n’y a rien de plus beau
la lumière bleue qui point sur la montagne la lune qui descend dans la pluie
rien, il n’y a rien de plus beau.
Kenneth
White ("Terre de diamant", traduction
de Pierre Jaworsky et Marie-Claude White - Grasset, 1983)
* le mot "Wakan" désigne les esprits alliés au dieu Wakan Tanka en langue amérindienne sioux
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A hight blue day on Scalpay
This is the summit of contemplation, and no art can touch it blue, so blue, the far-out archipelago and the sea shimmering, shimmering no art can touch it, the mind can only try to become attuned to it to become quiet and space itself out, to become open and still, unworlded knowing itself in the diamond country, in the ultimate unlettered light.
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Lumière de Scalpay *
Voici le sommet de la contemplation, et nul art ne saurait l’atteindre bleu, si bleu, le lointain archipel, et la mer qui miroite, miroite nul art ne saurait l’atteindre, l’esprit ne peut que tenter de s’y accorder de s’apaiser, de s’espacer, tenter de s’ouvrir, tranquille, au-delà du monde révélé à lui-même en terre de diamant, dans la lumière au-delà des mots.
Kenneth
White ("Terre de diamant", traduction
de Pierre Jaworsky et Marie-Claude White - Grasset, 1983)
* Scalpay est une île d'Écosse
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Sept vues de Virgin Gorda *(deux des sept "vues")
1
Un horizon d'îles brumeuses et, portés par les alizés les cris des mouettes rieuses.
[...]
5
Soir sur l'archipel : dans l'espace infini du ciel les éclats du phare de l'Île-aux-Bœufs.
[...]
Kenneth
White ("Limites et marges", traduction de Marie-Claude White - Mercure de France,
2000)
* Virgin Gorda (littéralement "la Grosse Vierge"), appartient à l'archipel des îles Vierges britanniques, territoire d'outre-mer du Royaume-Uni, dans les Petites Antilles
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Les textes qui suivent, jusqu'à la fin du paragraphe consacré à Kenneth White, aussi bien dans leur version originale que dans leur traduction, sont accessibles dans la Poéthèque du site du Printemps des Poètes à l'adresse (à copier-coller) : http://www.printempsdespoetes.com
Late december by the sound of Jura * Red braken on the hills rain snow hail and rain the deer are coming down the lochs are gripped in ice the stars blue and bright I have tried to write to friends but there is not continuing - I gaze out over the Sound and see hills gleaming in the icy sun.
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Fin décembre au détroit de Jura *
Fougères rouges sur les collines
pluie neige et grêle et pluie encore
les cerfs descendent des hauteurs
les lacs sont saisis par la glace
au ciel, les étoiles bleues
essayé d'écrire aux amis
mais mieux vaut y renoncer -
levant les yeux je vois l'île au loin
qui miroite sous un soleil glacé.
Kenneth
White ("Terre de diamant", traduction
de Pierre Jaworsky et Marie-Claude White - Grasset, 1983)
* Nous ne sommas pas ici évidemment dans le Jura français, mais encore en Écosse, dans les monts de Jura, du côté du Loch Fyne et de la péninsule du Kintyre.
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South Road, Summer 1. Mid-afternoon blue light flickering on the silent crags. 2. Where did the wind go ? - dawn coming quietly over the hills.
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Route du sud, été 1. Au milieu de l’après-midi une lumière bleue vacille sur les crêtes silencieuses.
2. Où est parti le vent ? - l’aube se lève doucement sur les collines.
Kenneth
White ("Terre de diamant", traduction
de Pierre Jaworsky et Marie-Claude White - Grasset, 1983)
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Stones of the cloudy forest
In memoriam Hiang Pi Fong
1.Where the path ends the change beging and the rocks appear ideas of the earth 2. Lying in the mist among red rocks admiring the lessons of wind and rain 3. As the old man said up in the mountains close by the sky every rock looks a lotus
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Pierres de la forêt brumeuse
In memoriam Hiang Pi Fong 1. Où s'arrête le chemin les changements commencent et les rochers surgissent idées de la terre 2. Allongé dans la brume parmi les rochers rouges attentif aux leçons du vent et de la pluie 3. Au dire du vieil homme ici dans la montagne tout contre le ciel chaque rocher est un lotus
Kenneth
White ("Terre de diamant", traduction
de Pierre Jaworsky et Marie-Claude White - Grasset, 1983)
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Le grand rivage(extrait de ce recueil-poème de 53 sections)
13 comme au détour du sentier dans le bois d'avril : ce monde concentré complexe fortuit trempé de lumière terre pierres herbe mouillée et les rouges branches de l'aubépine - dehors rien que landes nues âpres vallées glaciaires
14 ou comme ce champ de fleurs des Alpes sur les hauteurs de Ben Lawers : saxifrages pensées sauvages gentianes anémones des bois roses des montagnes compagnons angéliques soucis - assemblage unique dû à une série de coïncidences une petite couche de roches idéales bien minéralisée pas trop acide comme les couches voisines sur des monts si élevés que des souches précaires ont subsisté là depuis la fin des glaciers : les plantes se sont établies dans une faille leurs racines ont crevé le roc lentement leurs pousses et leurs feuilles ont enfermé des fragments de pierre portés par le vent ou entraînés par les eaux et la terre s'est accumulée les fleurs y trouvent subsistance et la beauté croît
Kenneth
White ("Le Grand rivage", traductions de Patrick Guyon, Marie-Claude White et Kenneth White - Les Éditions du Nouveau Commerce, 1980)
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La vallée blanche
Peu de choses à voir dans cette vallée quelques lignes, beaucoup de blanc c'est une fin de monde, ou bien un commencement peut-être le retrait des glaces du quaternaire
jusqu'à présent nulle vie, nul bruit de vie pas même un oiseau, pas même un lièvre rien que le vagissement du vent
pourtant l'esprit se meut ici à l'aise avance dans le vide
respire *
et ligne après ligne quelque chose comme un univers se dessine sans trop vouloir nommer sans briser l'immensité du silence discrètement, secrètement
quelqu'un dit
je suis ici ici, je commence.
Kenneth
White ("Limites et marges", traduction de Marie-Claude White - Mercure de France,
2000) - *en italique dans le texte
retour au sommaireButor, Depestre, Velter, White ?cliquez ICI
Henri Michaux(1899-1984), né en Belgique, a acquis en 1955 la
nationalité française. Il découvre Lautréamont (Les chants de Maldoror), dont on
retrouve l'empreinte dans son œuvre écrite poétique, à la marge du
Surréalisme. Il écrit des carnets de voyages qu'il a réellement effectués ("Écuador", "Un Barbare en Asie"), mais où l'imaginaire transfigure le réel ; d'autres encore en contrées totalement imaginaires (la "Grande-Garabagne"), réunis dans le recueil "Ailleurs".
"De
l'Équateur à la Grande Garabagne, de l'expérience de la mescaline au
dessein d'une écriture universelle, de la rêverie éveillée du
«sportif au lit» aux songes, tout est voyage, exploration de nouveaux
territoires, d'autres paysages mentaux dans l'œuvre de Henri Michaux. Ailleurs
(1948), qui réunit Voyage en Grande Garabagne ; Au pays
de la Magie et Ici,
Poddema ; ne forme qu'une étape sur son itinéraire: il
n'est pas le livre de celui qui manque de pérégrinations et tente de
s'évader, mais bien le rejeton engendré par la perplexité d'un
voyageur trop souvent déçu par le réel, qui découvre, à l'instar de
Claude Lévi-Strauss, que tout voyage est avant tout exploration de
soi." (Henri Michaux et les "états-tampons", aspects du
voyage imaginaire dans "Ailleurs" - étude de Nicolas Ragonneau paru dans
la revue "Textyles" 12: «Voyages, Ailleurs», Pierre Halen éditeur,
1995)
On
trouve dans l'œuvre de Michaux une grande inventivité de langage (Nicolas Ragonneau note 82 mots inventés dans "Ailleurs").
Quelques titres : Écuador (1929) ; Un Barbare en Asie (1933) ; La nuit remue (1935) ; Voyage en Grande Garabagne (1936) ; Plume, précédé de Lointain intérieur (1938) ; Au pays de la magie (1941) ; Je vous écris d'un pays lointain (1942) ; Arbres
des tropiques (1942) ; L'Espace du dedans (1944) ; Ici, Poddema (1946) ; Ailleurs (1948) ; La vie dans les plis (1949) ; Passages (1950) ; Connaissance par les gouffres (1961).
Arbre blasphémateur. Arbre après la
transe. Épouvante-arbre. Arbre hurleur, tripes dehors, tripes de la
lamentation. Arbre à lance, arbre pieuvre, arbre exorbitant. Arbre
obèse, arbre bouteille. [...] Arbre à feuilles nageoires, arbre à palmes. Arbre
portant haltères, portant battoirs, portant fourches. [...]
Henri Michaux ("Arbres
des tropiques", éditions Gallimard, 1942)
Une piste pour la création poétique avec ce texte : On jouera sur les transformations, les métamorphoses possibles des arbres, pour la création poétique et la création graphique. D'autres éléments du paysage, naturels ou artificiels, peuvent se prêter à l'exercice : nuage, fleuve, maison, ville, océan...
Les deux passages qui suivent sont tirés, le premier, de la préface du recueil"Ailleurs", et le second de "Passages". Henri Michaux y présente ses pays imaginaires comme des contrées qu'il a parcourues, et en explique les raisons :
"L’auteur a vécu très souvent ailleurs : deux ans en Garabagne, à peu près autant au pays de la magie, un peu moins à Poddema. Ou beaucoup plus. Les dates précises manquent. Ces pays ne lui ont pas toujours excessivement plu. Par endroits, il a failli s’y apprivoiser. Pas vraiment. Les pays, on ne saurait assez s’en méfier".
Henri Michaux (préface de l'auteur pour son recueil Ailleurs, 1948)
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"Mes pays imaginaires: pour moi une sorte d'États-tampons, afin de ne pas souffrir de la réalité. En voyage où presque tout me heurte, ce sont eux qui prennent les heurts, dont j'arrive alors, moi, à voir le comique, à m'amuser..."
Je vous construirai une ville avec des loques, moi ! Je vous construirai sans plan et sans ciment Un édifice que vous ne détruirez pas, Et qu’une espèce d’évidence écumante Soutiendra et gonflera, qui viendra vous braire au nez, Et au nez gelé de tous vos Parthénons, vos arts arabes, et de vos Mings
Avec de la fumée, avec de la dilution de brouillard Et du son de peau de tambour, Je vous assoierai des forteresses écrasantes et superbes, Des forteresses faites exclusivement de remous et de secousses, Contre lesquelles votre ordre multimillénaire et votre géométrie Tomberont en fadaises et galimatias et poussière de sable sans raison [...]
Dans
ce pays, il n'y a pas de feuilles...(titre suggéré)
Dans ce pays, il n'y a pas de feuilles. J'ai parcouru plusieurs forêts. Les arbres paraissent morts. Erreur. Ils vivent. Mais ils n'ont pas de feuilles. La plupart, avec un tronc très dur, vous ont partout des appendices minces comme des peaux. Les Barimes semblables à des spectres, tout entiers couverts de ces voiles végétaux; on les soulève, on veut voir la personne cachée. Non, dessous, ce n'est qu'un tronc.
[...]
D'autres avec de grandes branches dansantes, souples comme tout, serpentines. D'autres avec de courts rameaux fermes et tout en fourchettes. D'autres, chaque année, forment un dôme ligneux. On en rencontre d'énormes, des vieux, carapace sur carapace, et s'il vient un incendie de forêt (on ne sait ce qu'ils ont), ils cuisent là à petit feu, tout seuls, pendant des six, sept semaines, alors que tout autour d'eux, sur des lieues de parcours, ce n'est que cendre grise et froid de la nature minérale. D'autres qui se tendent sous la pluie comme des courroies et grincent; on se croirait dans une forêt en cuir. Les arbres à chapelet et les arbres à relais. Les arbres à boules terminales creuses, munies de deux rubans. Par grand vent étaient emportées ces boules, et volaient, ou plutôt flottaient lentement, semblables à des poissons, des poissons qui vont enfin regagner la rivière après un voyage pénible, mais le vent les chassait et elles allaient s'empaler sur les arbres à fourchettes, ou roulaient à terre par centaines, formant un immense plancher de billes, se bousculant et comme rieuses. Les Badèges ont des racines grimpantes. Une racine sort tout à coup, vient s'appuyer contre une branche d'un air décidé, l'air d'une monstrueuse carotte. Il y en a d'autres, l'écorce de leur tronc s'ouvre le jour, comme des capots d'automobiles avec leurs fentes d'aération; puis la nuit se ferment strictement et jamais on ne croirait qu'ils se sont jamais ouverts. Les indigènes se nourrissent d'une amande dont l'enveloppe est extrêmement dure. Ils la mettent l'après-midi dans les fentes de l'arbre et la retirent le matin, broyée, prête à être mangée. L'arbre le plus agréable c'est le Vibon. L'arbre à laine. On voudrait vivre dans sa couronne. Quantité innombrable de rameaux ont ses branches, et chacune sécrète une antenne de laine, si bien qu'il y a là une grosse tête laineuse. C'est le Bouddha de la forêt. Mais il arrive que les Balicolica (ce sont des oiseaux) y viennent habiter. Ils crottent partout. Alors c'est une odeur infecte qui se forme là, et il faut brûler l'arbre.
Henri
Michaux ("Mes propriétés" - chapitre Notes de Botanique, Gallimard, 1938)
Avec la traversée de l'Équateur, l'ouvrage "Ecuador" (1929) inaugure les recueils de voyage d'Henri Michaux, dans lesquels la fine observation, l'imagination et le subjectivisme exacerbé s'interpénètrent.
Équateur
Équateur, Équateur, j'ai pensé bien du mal de toi. Toutefois, quand on est près de s'en aller... et revenant à cheval à l'hacienda par un clair de lune comme je fais ce soir (ici les nuits sont toujours claires, sans chaleur, bonnes pour le voyage) avec le Cotopaxi dans le dos, qui est rose à six heures et demie et seulement une masse sombre à cette heure... mais il y a des mois que je ne le regarde plus... Équateur, tu es tout de même un sacré pays. [...]
Henri
Michaux ("Ecuador", éditions Gallimard,
1929)
Et l'on rentre dans la forêt. Cette forêt est chauffée. Immense appartement. On se méfie. On est mal à l'aise. C'est la forêt tropicale. [...] Quand les poètes chantaient les arbres du Nord, je croyais qu'ils le faisaient exprès. Ces arbres nus, sans famille, lisses, abandonnés, troncs hauts, et branches qui n'offrent aucun ouverture, (je songe surtout à vous, ô hêtres, que j'ai tant maudits, qu'on me voulait faire admirer, qui portez vers le haut le subit rire malin de toutes vos petites feuilles, qui ne veut rien dire), on ne vous réclame pas, vous tous que j'ai haïs. [...] Arbres des tropiques, à l'air un peu naïf, un peu bête, à grandes feuilles, mes arbres ! La forêt tropicale est immense et mouvementée, très humaine, haute, tragique, pleine de retours vers la terre. Les parasites veulent bien s'élever. Ils choisissent un arbre, mais après avoir pris quelque hauteur, les voici tous qui bêlent et reserpentent vers la terre. Très habitée, la forêt, riche en morts et en vivants !
La forêt n'enterre pas ses cadavres ; quand un arbre meurt et tombe, ils sont tous tout autour, serrés et durs pour le soutenir, et le soutiennent jour et nuit. Les morts s'appuient ainsi jusqu'à ce qu'ils soient pourris. Alors suffit d'un perroquet qui se pose, et ils tombent avec un immense fracas, comme s'ils tenaient encore follement à la vie, avec un arrachement indescriptible. [...] L'arbre ici ne craint pas d'adopter une grande famille, et mène grand train. Il porte sur lui des orchidées et plus de cinquante lianes l'embrassent à la vie et à la mort. Ses branches largement occupées et à pendentifs, habitées comme au moyen âge les ponts, ont de loin la douceur, le velours des chenilles, et l'apparence sage et réfléchie que donnent les barbes.
Henri
Michaux ("Ecuador", éditions Gallimard, 1929)
La première impression est terrible et proche du désespoir. L'horizon d'abord disparaît. Les nuages ne sont pas tous plus hauts que nous. Infiniment et sans accidents, ce sont, où nous sommes, Les hauts plateaux des Andes qui s'étendent, qui s'étendent.
Ne soyons pas tellement anxieux. C'est le mal de montagne que nous sentons, L'affaire de quelques jours. Le sol est noir et sans accueil. Un sol venu du dedans. Il ne s'intéresse pas aux plantes. C'est une terre volcanique. Nu ! Et les maisons noires par-dessus, Lui laissent tout son nu ; Le nu noir du mauvais.
Qui n'aime pas les nuages, Qu'il ne vienne pas à l'Équateur. Ce sont les chiens fidèles de la montagne, Grands chiens fidèles ; Couronnent hautement l'horizon. L'altitude du lieu est de 3000 mètres, qu'ils disent, Est dangereux qu'ils disent, pour le cœur, pour la respiration, pour l'estomac Et pour le corps tout entier de l'étranger.
Henri
Michaux ("Ecuador", éditions Gallimard,
1929)
L'arbre ici ne s'occupe pas de la terre, Il faut en sortir et vite, Il s'agit de s'élever car on étouffe, Et il part. Ni branches, ni fleurs, ni pousses, rien qu'un tronc direct Et s'il vient une branche elle se colle au tronc Et fait flèche avec lui. Il s'élève donc. [...] Et quand ils n'en peuvent plus, les arbres*, Une fois arrivés à l'extrême bout de leur taille, Lorsqu'ils s'abandonnent enfin et se répandent en feuilles, Les voici tous, tous à peu près à la même hauteur, Et la forêt paraît unie.
Henri
Michaux ("Ecuador", éditions Gallimard,
1929) - *les arbres a été ajouté pour assurer le passage du singulier au pluriel, en raison de la suppression d'une partie du texte.
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Wallis et Futuna, comprend trois îles principales parmi d'autres moins étendues : Wallis, Futuna et Alofi, au nord-est de la Nouvelle-Calédonie.
Virginie Tafilagi, poète et enseignante contemporaine, est l'auteure de deux recueils de poésie : "Au centre de tout" et "Palabres".
Dans un article de la revue locale Te Fenua Fo'ou de novembre 2001, elle (s')interroge sur : "Les devoirs et les défis de l'homme d'Uvea et de Futuna du XXIème siècle", [...] "la
suppression des privilèges consentis par l'état français, la mise en
place d'un impôt, la traduction des manuels d'éducation civique en
wallisien et futunien", et sur "l'humiliation subie par les femmes artisanes car le système de solidarité est à sens unique"...
La Polynésie française comprend environ 120 îles, d’origine volcanique ou corallienne, dispersées sur une étendue comparable à celle du continent européen. Cinq archipels comprennent ces territoires :
L’archipel des Îles de la Société, où se trouvent les Iles du Vent (Tahiti, la plus peuplée, avec Papeete pour capitale, Moorea et Tetiaroa) et les Iles Sous le Vent (Raiatea, Tahaa, Huahine, Bora Bora et Maupiti).
L’archipel des Marquises, qui comprend une douzaine d’îles.
L’archipel des Australes, L’archipel des Tuamotu, et L’archipel des Gambier.
C'est aux Marquises, l'île définitive de Paul Gauguin, que Jacques Brel a décidé de finir ses jours (voir le texte 'Les Marquises" dans la catégorie PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français).
Leconte de Lisle, qui a aussi "chanté" l'île de La Réunion, et Victor Segalen, célèbres poètes français, ont écrit sur la Polynésie, en particulier sur Tahiti, l'île-phare, le joyau revendiqué de l'archipel. On trouvera à leur paragraphe quelques textes sur le thème du paysage dans la catégorie PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français
Henri Hiro (1944-1990) est né à Huahine, l'une des îles Sous-le-Vent, qui font partie de l'archipel des îles de la Société. C'est un écrivain, poète, dramaturge et cinéaste, en révolte contre le colonialisme et l'exploitation des ressources locales, revendiquant une identité polynésienne. "Figure emblématique de la Polynésie, Henri Hiro a essayé de lutter toute sa vie pour la sauvegarde ainsi que la réhabilitation de la culture ma’ohi, et en a revalorisé les fondements identitaires dissipés." (site http://www.hiroa.pf)
Un poème en forme de fable :
Le pêcheur de la nuit
Le paresseux se remarque entre tous Les nuits poissonneuses, il ne s’en soucie guère, La nuit sans poisson, c’est tout ce qu’il désire. Chasser les mouches, c’est là ce qui l’occupe, Pêcheur de la pêche des autres, c’est son métier, profiter de la moisson d’autrui.
Le courageux se démarque de tous, Les nuits poissonneuses sont son spectacle favori, et les nuits sans poisson, il les met en attente. Réparer son filet, c’est son travail, conserver son poisson dans un vivier c’est son métier, profiter de sa propre moisson.
Le soir de la première nuit de Taaroa, nos deux hommes se distinguent. Il y a l’homme des ténèbres et l’homme civilisé.
Henri Hiro ("Message Poétique", Éditions Haere Po, 1990)
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Sur le site des éditions Haere Po cet extrait d'un des poèmes du recueil cité, bilingue. "Pour assurer la continuité [culturelle], il faut que le Polynésien se mette à écrire… il doit écrire et ainsi s’exprimer, peu importe que ce soit en reo ma’ohi, en français ou en anglais, l’important est qu’il s’exprime." (Henri Hiro)
Qu’en sera-t-il ? […]
Ceci est une prière ! Oh, l’amour de mon pays, dont le flot sans relâche a baigné ma jeunesse en son âge le plus tendre ! Qu’il oigne encore mon corps tout mortel, Et vive cet amour ! Vive ! Vive ! Vive encore et toujours ! Qu’il vive et abreuve ma terre natale, Pour que fleurissent en leur essaim Les enfants de ce sol, enfants de mon pays.
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traduction
E aha atu ra ? […] Eiaha na pai ! Te here o to u aia i tavai ia u mai te hii mai i apiti mai i to u nei tino tahuti. E, ia vai a, e ia vai a ! E, ia vai a, e ia vai noa atu a ! Ei para haamaitai i to u aia tumu, ia ruperupe, e ia hotu te huaai, no to u nei aia.
Henri Hiro ("Message Poétique", Éditions Haere Po, 1990)
Bobby Holcomb (1944-1991) était natif d'Hawaï (Hawaï est un État des États-Unis situé dans l'océan Pacifique, à environ 3 900 kilomètres au sud-ouest de San Francisco). Il s'est installé en 1976 à Huahine, cette île qui a vu naître Henri Hiro (ci-dessus). Il adopte la langue et la culture tahitiennes, et est considéré comme un des artistes majeurs de la Polynésie. C'est un auteur-compositeur-interprète, de style reggae, et un peintre.
Trois chansons, dont la première en anglais et en tahitien, sans traduction. Les textes et leurs traductions (la traduction de la dernière chanson a été adaptée par lieucommun) sont empruntés au sitehttp://www.polynesiepassion.net/ :
My island home
Six Years I've lived in the desert
And every night I dream of the sea
They say home is where you find it
But this place ever satisfy me.
E ono matahiti i te faeara'a
I roto i te mete para
Teie ta'u vahi horo'a hia
E vahi ra, aura'a ore.
Chorus :
To'u fenua
To'u fenua ti'ai mai ia'u
My island home
My island home is awaiting for me.
For I come from the saltwater people
We always lived by the sea
Now I'm out here west of Alice Springs
With a wife and a family.
E tama ho'i au no te miti
Ua ora ho'i te reira vahi
Faaea nei au i nia moua
E ta'u vahine, e ta'u tamarii. (Chorus)
In the evening the dry winds blow
From the hills and across the plains
I close my eyes and I'm standing
In a boat on the sea again.
Tape'a atu vau ta'u omore
Mana'o atu ra vau
Ua ora ho'i au
To'u fenua ti'ai mai ia'u. (Chorus)
La mer est là. Chacun peut y pêcher La terre est là Chacun peut la cultiver Ma'ohi tu ne Mourras jamais de faim. Ancêtre, ancêtre, ê Dans les îles Tes enfants préservent Ton mode de vie. Mais hélas Nous vivons une époque nouvelle L'époque de la facilité Où la parole peut tout réaliser Mais cela n'est qu'apparence Ma'ohi Tu es pris au piège. Ancêtre, ancêtre, ê Ne t'inquiète pas Tes enfants respecteront Ton oeuvre. Mais... Où est le temps De l'abondance Et des bienfaits que Nous donnait la nature Tout périt peu à peu. Ancêtre, ancêtre, ê Il semble que, lentement La nature veuille reprendre Tous ses dons.
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Tupuna Tupuna e
Val noa ra te tai Taata tana tautai Val roa ra te fenua Taata tana faapu Maohi e aore hoi oe E pohe ! te poia. Tupuna Tupuna e Na te mau motu Aupuru noa ra to hua'ai To oe oraraa (Tahito). E inaha... Tau api teie o Te tau o te ohie Tao'a parau noa Te faahiahia ra'a Maohi e ua roohia oe E te maramarama. Tupuna Tupuna e A tia noa atura Faatura noa ra to hua'ai Ta oe ! ha'a mai. Are'a ra... Tei hea atura ra Te mau tau auhune Te mau faufa'a rahi. Ta te Natura E horo'a nei, aue ho'i e Te mau rii rii noa atura Tupuna Tupuna e Mai te mea atura Te rave rii maru noa atura Ta natura i tona mau maitai.
Vahine no te moana Tautai rava’i Tape’a ta’oe ofe Hi’o 'oe na te a’au Orio atua vahine Orio, Orio e A ho’i mai uta nei Afai mai te faufa’a No te moana nui e No te moana nui e Orio te atua Tane no te moana Ohopu e te a’ahi Tape’a ta’oe ofe Hi’o 'oe i tua Orio atua tana No te moana nui e No Maeva nui e Orio te atua Vahine no te moana Tautai rava’i Orio te atua Tane no te moana Ohopu e te a’ahi Orio, Orio e A ho’i mai uta nei Afai mai te faufa’a No Maeva nui e
Bobby Holcomb
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Orio est le dieu polynésien, ici parfois appelé déesse, de la mer et de ses ressources. Maeva, qui signifie "bienvenue" en tahitien, vient du canaque, langue Néo-Calédonienne. Il semble que le poète appelle la mer de ce nom, Maeva :
Orio
Orio, dieu de la mer Orio, déesse de la mer pêcheur maintiens ta canne de bambou tu pêches sur le récif
Orio, dieu de la mer Orio, déesse de la mer reviens au rivage apporte des richesses de la mer profonde
de la mer profonde
Orio, dieu de la mer de la bonite et du thon maintiens ta canne de bambou tu pêches au large
Orio, dieu de la mer profonde de la grande Maeva Orio, dieu de la mer Orio, déesse de la mer pêcheur
Orio, dieu de la mer de la bonite et du thon reviens au rivage apporte des richesses de la grande Maeva
Bobby Holcomb - L'adaptation en français de cette chanson est proposée par lieucommun
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Saint-Pierre-et-Miquelon, seul territoire d'Outre-Mer français en Amérique du Nord, est un archipel de l'Océan Atlantique, au large du Canada, proche de l’île de Terre-Neuve.
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Henri Lafitte, né sur l'île en 1951, est un poète, auteur de deux recueils : Chansons de bruine et Confidences insulaires. Il est également auteur compositeur interprète. On peut retrouver ses chansons sur CD.
Fleurs de suroît
Fleurs de suroît Chant de noroît Et nos îles S’éveillent Sous la neige
Sous les sapins Tous les lapins S’endimanchent Et les branches Folâtrent
Tout Saint-Pierre est en fête Il était une fois Un écrin de chaleur Par grand froid
Les toboggans Sur le versant Des collines S’envolent Frivoles
Les labradors Sur des ressorts Noirs et blancs De malice Bondissent
Tout Saint-Pierre est en fête Il était une fois Un écrin de bonheur Par grand froid
Et sous l’azur Chantent les murs Les maisons Cabriolent Lucioles
Finis les pleurs Finies les peurs Toute l’île S’illumine Mutine
Tout Saint-Pierre est en fête Il était une fois Un écrin de lueur Par grand froid
Qui le premier Osa l’été Et les cœurs Qui surnagent Sur les plages
Henri Lafitte ("Chansons de bruine" - éditions Jean-Jacques Oliviéro, 1989)
L'île de La Réunion s'est d'abord appelée île Mascareigne, puis île Bourbon, quand elle devient en 1710 une colonie appartenant à la Compagnie française des Indes orientales. C'est en 1848, avec l'abolition de l'esclavage, qu"elle devient île de la Réunion, avant d'accéder en 1946 au statut de département d'Outre-Mer, portant le muméro 974. Elle appartient toujours géographiquement, à l'archipel des Mascareignes.
Leconte de Lisle, (1912-1978) a vécu quelques années à La Réunion, et écrit de nombreux poèmes sur les paysages de l'île : voir la catégorie PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français.
Auguste Lacaussade (1815-1897) est né sur l'île de La Réunion (l'île Bourbon), d’un père blanc et d’une mère métisse (cf une biographie : "Auguste Lacaussade (1815-1897), le fils d’une affranchie et d’un noble de Guyenne", Prosper Ève, 2005). Pour cette seule raison (nous sommes en période coloniale), les études au collège lui sont interdites. Il quitte l'île pour la France et n'y revient, ses années de collège terminées, que pour deux années, en 1834. Nouveau départ pour Paris, en 1836, avec dans les bagages, ses premiers poèmes. Son livre "Poèmes et paysages" (1852) obtient un prix de poésie, décerné par l'Académie Française. Ce recueil est consacré à la nature de l'île de la Réunion (à l'époque appelée île Bourbon), son pays natal.
En préface à ce recueil, l'auteur écrit : "La nature, sous les tropiques, a été sentie et rendue supérieurement par Bernardin de Saint-Pierre, mais elle n’a pas été chantée encore. Ce que l’auteur de Paul et Virginie a fait dans la langue de la prose, il nous a semblé qu’on pouvait le tenter dans la langue des vers. De là ce volume de Poèmes et Paysages, où l’on a cherché à rendre, dans toute sa vérité, la riche nature de l’île Bourbon, l’une des plus belles îles des mers de l’Inde."
À l'île natale
O terre des palmiers, pays d’Eléonore, Qu’emplissent de leurs chants la mer et les oiseaux ! Île des bengalis, des brises, de l’aurore ! Lotus immaculé sortant du bleu des eaux ! Svelte et suave enfant de la forte nature, Toi qui sur les contours de ta nudité pure, Libre, laisses rouler au vent ta chevelure, Vierge et belle aujourd’hui comme Ève à son réveil ; Muse natale, muse au radieux sourire, Toi qui dans tes beautés, jeune, m’appris à lire, À toi mes chants ! à toi mes hymnes et ma lyre, O terre où je naquis ! ô terre du soleil !
Auguste Lacaussade ("Poèmes et paysages" - éditions Ibis Rouge, 1997)
Rosemay Nivard est née en mai 1961 au Tampon, une des plus importantes communes de l'île de La Réunion. Elle quitte l'île pour la métropole à l'adolescence, et exerce ensuite la profession de soignante en psychiatrie (On songe à son alter ego guadeloupéenne Gisèle Pineau, romancière de la même génération, et qui exerce la même profession depuis 1970 en Guadeloupe). Ses recueils parlent de son métier, de la vie en métropole, mais l'île de la Réunion, ses paysages et ses êtres n'ont jamais cessé de peupler sa poésie. Ses derniers recueils témoignent de la double appartenance : "Voyages intérieurs, poèmes sous les feuilles" (Les Xérographes, 2008) est un "voyage introspectif entre la banlieue et l’île", et "Pommes d'hôpital, rêveries sur le pont" (Les Xérographes, 2008), un recueil tout aussi intérieur, analyse, observation lucide de son environnement professionnel.
(passage du recueil)
Végétale sphère A planter des fougères dans l’ombre de la maison Des fuschias et des cimetaires J’ai couché l’amour blessé au nord pour que le soleil l’épargne Le soleil et la vérité Le fuschia a d’étranges cloches Qui semblent à leurs façons Des chants d’étranges origines Des bruits d’eau de vagues de larmes Musique des vents agités En soupirs En portées Clé de sol ma terre Clé de fa mon coeur Clés du bonheur enterré
Rosemay Nivard ("Pommes d'hôpital, rêveries sur le port" - Les Xérographes, 2010)
De ses doigts Malhabiles Entre l’index Les yeux mi-clos Faisant le tour du cercle Et le pouce Au contact rugueux Plus habitué à lever la casquette à carreaux Vissée entre les oreilles L’homme à la mémoire perdue Coupait un quart de pomme
Rosemay Nivard ("Pommes d'hôpital, rêveries sur le port" - Les Xérographes, 2010)
Sur le site de l'éditeur Le Vert-Galant (http://vertgalant.free.fr/nivard.html), ce court extrait ne donne-t-il pas envie d'en lire davantage ?
Prisons (extrait)
À deux pas de la mer mer du banc de corail mer la prison Ont-ils du sel sur les lèvres les jours gris de pluie au brouillard des barreaux derrières ces murs blancs et gros
Rosemay Nivard ("Poésie couleur insulaire" - Le Vert-Galant, 2004)
Même éditeur, avec le recueil "Douleurs et poésie créole", un extrait :
Et l'eau coulait encore (extrait)
Ce long fracas ininterrompu de la rivière Grosses pierres de son chemin posées sur sable noir Pas d'arbre et très peu d'oiseaux comme dans le désert Écume en chorégraphie fantasmagorique Des restes de bois semés par le dernier cyclone Échoues dans l'eau fraîche où nagent tous les enfants Arrivés en camionnette en cris ensoleillés gamelles de riz, marmites de rougail ou carry Le vent va donner le départ s'invite au soir soulevant le sable comme secouant un mouchoir
Rosemay Nivard ("Douleurs et poésie créole", Le Vert-Galant, 2004)
Sur le site des éditions "Les Xérographes" (dont Rosemay Nivard est présidente), autre extrait d'un poème d'un autre recueil. * On notera l'absence de majuscule sur "marne". Il s'agit bien pourtant de l'affluent de la Seine.
Sur le bord de la marne* (extrait)
Sur le bord de la marne j'ai posé mes valises Pas trop loin des îles oui le cœur est fidèle De cette eau qui n'est plus la mer créole Où les poules d'eau remplacent les pailles-en-queue Où les vagues se forment aux remous des péniches Et les barrières non de corail mais de troncs échus
Vie de jours nouveaux promenades au fil de l'eau Adieu Cilaos montagnes broderies et jours Sur les bords de la marne autoroute du quotidien Les guinguettes se reposent au soleil du lundi Ni le rhum ni le vin blanc ne sont nos amis permis Le vol des mouettes n'est pas alangui sur les voiles Qui claquent au vent froid du petit port bien rangé
Sur les bords de la marne je pose mes soucis gris Alors les promenades sont bras dessus bras dessous Tout les enfants qui courent si gaiement sont à nous Et les éclats de rire aussi forts que la vie
Rosemay Nivard ("À fleur de peau : poèmes bat'carré des bambous à la Marne", Les Xérographes, 2007)
Les Terres Australes et Antarctiques françaises, comprennent des îles situées au sud de l'océan Indien : les îles Kerguelen (volcaniques), les îles Crozet (classées réserve naturelle,dont la faune est protégée), ces deux régions étant essentiellement occupées par des stations scientifiques d'observation. deux autres îles dans la même région : les îles Saint-Paul (quelques îlots pour la plupart dans le canal du Mozambique) et l'île d'Amsterdam, en Terre-Adélie, toutes deux volcaniques, sans habitants résidents, mais où se sont également implantées des bases scientifiques.
Les Seychelles,
encore une destination touristique "les pieds dans l'eau", que les
touristes en mal de sable fin et de soleil (et suffisamment fortunés),
ne choisissent pas pour sa culture, ses traditions ni à fortiori sa
littérature. L'archipel des Seychelles, à un millier de kilomètres au nord-est de Madagascar, dans l'Océan Indien occidental, compte une centaine d'îles (Mahé étant la plus importante), représentant un seul état : La République des Seychelles (en créole Repiblik Sesel) , depuis 1976.
Trois langues officielles aux Seychelles : le créole (seychellois), l'anglais, et le français, langue privilégiée des auteurs.
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Paul-Jean Toulet(1867-1920)
n'est pas un poète seychellois, mais de passage à Mahé, en 1886, il a
écrit ce poème, image convenue de l'île à cette époque - On retrouvera
un autre texte de Toulet, cette fois sur l'Île Maurice dans cette même
catégorie, et des poèmes de l'auteur sur le thème du paysage ici, toujours sur le blog : PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français :
Mahé(titre proposé)
Mahé des Seychelles, le soir : Zette est sur son dimanche, Et sous la mousseline blanche Brille son mollet noir.
Les cases aux fraîches varangues Bâillent le long des quais ; Dans les branches d'un noir bosquet Etincellent les mangues.
Tandis qu'en ses jardins fleuris Mystérieuse et belle, Rêve une pâle demoiselle Aux chapeaux de Paris.
Paul-Jean Toulet, 1886 (publié dans "Contrerimes", 1921, et "Nouvelles contrerimes", 1936)
Antoine Abel(1834-2004)
est le poète le plus célèbre de l'île. Il était natif de Mahé, l'île
principale de l’archipel. Il publie en 1969 son premier recueil de
poésie : "Paille en queue", puis des recueils de contes, dont "Contes et poèmes des Seychelles", en 2004. Il a également écrit des pièces de théâtre.
Danses d'hier
J'entends encore les staccatos Le prolongement des sons des tam-tams Des tam-tams du temps jadis
Alors les collines s'enflamment Dans la nuit sèche Les pieds des danseurs Se baignent dans la fine poussière De latérite Et leurs pas scandent sauvagement Un rythme endiablé
J'entends encore les notes rapides La voix étouffée du « commandeur » Se modulant dans l'air tiède du soir.
Alors les échines s'arc-boutent Les unes aux autres Et les hanches roulent comme des houles Les ventres des danseuses voluptueuses Ondulent lascivement... Et des voix confuses s'interpellent Impudemment.
Je perçois toujours les staccatos Les grondements des "grosses caisses" Par delà les années de mon enfance ... Je les porte en moi Comme des stigmates.
Magie Fauré-Vidot, devenue Maggie Vijay-Kumar, poète
contemporaine, est née aux Seychelles. Elle écrit ses textes en
français. On citera parmi ses écrits, deux recueils de poésie : “Un Grand Coeur Triste”(1983), et “L’Âme Errante” (2003).
Seul (début du poème)
Vent du large qui souffle sur les terres Soulage les coeurs endoloris Et ployant sous la souffrance et le pilori Aide-les à sortir du sanctuaire !
Ouvre-leur toutes grandes tes voiles Et abrite-les sous ton nuage Apprends-leur docilement à être sages Et sous leurs corps en feu tisse tes toiles.
Ann Rocard est née en 1954. On découvrira ses poèmes et ses nombreuses activités sur son site, ici : http://www.annrocard.com/
Bien au chaud
Dans ma maison, bien au chaud, je vois le jour qui s'enfuit et les étoiles là-haut qui s'allument dans la nuit. J'entends le vent qui s'élance entre les tuiles du toit et les grands arbres qui dansent à la lisière du bois. Chez moi, je suis à l'abri. Je bois un bon lait bouillant. Je n'ai pas peur de la pluie, de l'hiver et du grand vent.
Ann Rocard
- André Rochedy -
André Rochedy (1942-2006), professeur de lettres et poète, est l'auteur de nombreux recueils de poèmes.
Quelques titres :Fils du Soleil, L’arbre à paroles, 1991 ; L’homme descend du songe, L’arbre à paroles, 1992 ; Dans la mémoire du jour, L’arbre à paroles, 1995 ; Dans la main du vent, suivi de L’ange la nuit, Voix d’encre, 1999 ; Ma maison, c’est la nuit, Cheyne, 2002, illustration de Martine Mellinette.
Dans la gorge des oiseaux ...
Dans la gorge des oiseaux il y a des mots qui roulent rouges et doux comme des soleils d'extrême-enfance.
André Rochedy ("Descendre au jardin", Cheyne éditeur, 1987)
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Pour grandir ...
Pour grandir il faut faire un vœu disait le nain en décrochant l’étoile.
Pour grandir il ne faut pas se faire vieux.
André Rochedy ("Descendre au jardin", Cheyne éditeur, 1987)
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Pour entrer dans l'arche de Noé
Pour entrer dans l'arche de Noé toutes les bêtes ont montré patte blanche la brebis galeuse le canard boiteux l'oie blanche et la poule mouillée deux chiens de faïence un tigre de papier l'anguille sous roche le coq de clocher le dindon de la farce la vache à lait le rat de bibliothèque le chat échaudé la fine mouche, l'âne bâté le bouc émissaire et l'ours mal léché le veau d'eau et la vache espagnole le vieux loup de mer et l'agneau de lait l'oiseau de malheur - un drôle d'oiseau - ma bête noire la bête à manger du foin la bête comme ses pieds et un paysan du Danube monté sur ses grands chevaux suivant un mouton de Panurge.
André Rochedy ("Bêtes à rire et à pleurer", Magnard, 1984 et Anthologie de André Rochedy et Lionel Andeler - 2001)
- Ghislaine Roman -
Ghislaine Roman, enseignante en élémentaire et auteure contemporaine pour les enfants a publié des albums ("Le parapluie volant", "Tukaï, l'enfant sorcier "...) et des recueils poétiques ("Le livre des peut-être", "Le livre des si"), tous aux éditions Milan.
Les Editions Milan nous ayant signalé que nous avions présenté "Le Livre des Peut-être" dans son intégralité, nous rectifions cette erreur avec uniquement la mise en ligne de courts extraits des deux ouvrages :
Si(il s'agit d'un extrait du poème)
Si les girafes savaient tricoter, il leur faudrait dix ans pour faire un cache-nez. Si la mer était sucrée, les icebergs seraient des sorbets. Si les mille-pattes portaient des souliers, ils passeraient leur nuit à les cirer. Si on mettait des pierres dans les sabliers, est-ce que ça empêcherait le temps de passer ?
...
Ghislaine Roman ("Le livre des si", illustrations de Tom Schamp - éditions Milan, 2004)
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Peut-être(passages)
Peut-être que les clowns ont de grandes chaussures parce qu’ils ont de grands pieds. [...] Peut-être que les abeilles font du miel parce qu’elles ne savent pas faire du chocolat. Peut-être que les moutons portent de la laine parce qu’ils sont allergiques au coton. [...] Peut-être que les zèbres sont rayés parce qu’ils n’aiment pas les carreaux [...] Peut-être que les sorcières chevauchent des balais parce qu’elles n’ont jamais entendu parler des aspirateurs. [...] Peut-être que les lions sont mal coiffés parce qu’ils font peur aux coiffeurs..
Ghislaine Roman ("Le livre des peut-être", illustrations de Tom Schamp - éditions Milan, 2003)
À la manière de Ghislaine Roman : "Si ..." et "Peut-être ..."
Plusieurs poèmes d'autres auteurs sont présentés sur le blog ou ailleurs, pour la production de textes conditionnels avec "Si" (voir Jean-Luc Moreau dans la catégorie l'humour des poètes). Quelques pistes :
De la GS au CM2 dans cette circonscription, on s'est amusé avec "peut-être" (lien non cliquable) : http://www.ac-amiens.fr/inspections/80/montdidier/ecoles/ecoles.htm Encore une expérience illustrée ici (lien non cliquable): http://sites86.ac-poitiers.fr/buxerolles-planty/spip.php?article159 L'IEN de Gennevilliers propose, une fiche détaillée pour l'exploitation en classe de ce texte, en vue de la production d'écrit poétique. Le pdf en lien direct cliquable est ici : http://www.ien-gennevilliers.ac-versailles.fr/IMG/pdf/le_livre_des_peut-etre.pdf
Madeleine Le Flochest une auteure contemporaine, qui a publié en 1975 "Petits contes verts pour le printemps et pour l'hiver". Un recueil dans lequel elle joue avec les différents sens, les à-peu-près et les homonymies du vert, pour l'écriture de (quand même !) soixante-treize petits poèmes.
Oiseau vert
Il était une fois un oiseau que l'on avait enfermé dans une cage.
Du matin au soir il criait : que je suis malheureux ! Ah! que je suis donc malheureux !
Comme il chante bien disait la petite fille.
Madeleine Le Floch ("Petits contes verts pour le printemps et pour l'hiver" - Éditions Saint-Germain-des-Prés, 1975)
Madeleine Ley(1901-1981) est une romancière et poète belge.
La girafe
Je voudrais une girafe Aussi haute que la maison Avec deux petites cornes Et des sabots bien cirés Je voudrais une girafe Pour entrer sans escalier Par la lucarne du grenier.
Madeleine Ley ("60 poésies 60 comptines" - éditions Le Centurion)
Dans la chambre du grand-père il y avait un coquillage qui soupirait et chantait comme le vent et la mer.
Dans la chambre du grand-père il y avait un petit coffre en bois luisant jaune clair, qu’il rapporta de ses voyages Et que lui seul savait ouvrir.
Il y avait deux Japonais en ivoire, sous un globe ; et tout au fond d’un tiroir, dans son écrin de velours vert, bijou poli par les vagues, la pipe en écume de mer !
Andrée Hyvernaud(1910-2005), poète et écrivaine du nord de la France, est l'auteure de recueils de poésies pour la jeunesse, mais pas seulement ("Au bord des mortes eaux : poèmes. précédé de Qui mène au soir" - 1999). Elle était l'épouse du romancier Georges Hyvernaud, avec qui elle a signé plusieurs ouvrages.
Un poème cette année au rendez-vous du calendrier... Ne tardez pas à l'utiliser !
Galette des Rois
Qui a la fève et la couronne ? Papier d'or ou papier d'argent ? La galette était bonne Et la fève dedans.
Petit roi d'amour aux yeux de velours Choisis la reine de ta cour ! Gentil Roi, bois ! Mais n'oublie pas Que le bonheur même des Rois Ne dure souvent qu'un seul jour ...
Andrée Hyvernaud
- Max Jacob -
Max Jacob (1876-1944) était un écrivain, un poète et un peintre, ami de peintres cubistes comme Pablo Picasso, Georges Braque et Juan Gris, et de poètes, comme Guillaume Apollinaire, puis plus tard, de Jean Cocteau, Modigliani, et encore Marcel Béalu, Michel Manoll, René-Guy Cadou et Jean Rousselot. Il est auteur de contes pour enfants, et de nombreux recueils de poésie, certains en prose ("Le Cornet à dés" est d'abord édité en 1917 à compte d'auteur). Voir la suite de cette présentation ici sur le blog, avec le poème "Amour du prochain".
Souvent présentés comme deux textes différents, en réalité, il s'agit de deux strophes du même poème. La première strophe est représentée en calligramme (dans l'ouvrage "Il était une fois...les mots" - textes réunis par Yves Pinguilly et typoscénie d'André Belleguie, aux éditions La Farandole/Messidor, 1981) :
Pour les enfants et pour les raffinés (extraits)
À Paris sur un cheval gris À Nevers sur un cheval vert À Issoire sur un cheval noir Ah ! Qu'il est beau qu'il est beau Ah ! Qu'il est beau Qu'il est beau! Tiou !
[...]
Je te donne pour ta fête Un chapeau noisette Un petit sac en satin Pour le tenir à la main Un parasol en soie blanche Avec des glands sur le manche Un habit doré sur tranche Des souliers couleur orange. Ne les mets que le dimanche. Un collier, des bijoux ! Tiou !
Max Jacob ("Les œuvres burlesques et mystiques de Frère Matorel"- Henry Kahnweiler, 1912)
Les manèges déménagent. Manège, ménageries, où ?… et pour quels voyages Moi qui suis en ménage Depuis… ah ! il y a bel âge ! De vous goûter, manèges, Je n'ai plus … que n'ai–je ?… L’âge. Les manèges déménagent. Ménager manager De l’avenue du Maine Qui ton manège mène Pour mener ton ménage ! Ménage ton ménage Manège ton manège. Ménage ton manège. Manège ton ménage. Mets des ménagements Au déménagement. Les manèges déménagent, Ah ! vers quels mirages ? Dites pour quels voyages Les manèges déménagent.
Max Jacob ("Les œuvres burlesques et mystiques de Frère Matorel"- Henry Kahnweiler, 1912)
Souric et Mouric, Rat blanc, souris noire, Venus dans l’armoire Pour apprendre à l’araignée À tisser sur le métier Un beau drap de toile.
Expédiez-le à Paris, à Quimper, à Nantes, C’est de bonne vente ! Mettez les sous de côté, Vous achèterez un pré, Des pommiers pour la saison Et trois belles vaches, Un bœuf pour faire étalon.
Chantez, les rainettes, Car voici la nuit qui vient, La nuit on les entend bien, Crapauds et grenouilles, Écoutez, mon merle Et ma pie qui parle, Écoutez, toute la journée, Vous apprendrez à chanter.
Max Jacob ("Poèmes de Morven le Gaélique" édité en 1953, posthume et en Poésie-Gallimard, 1991). Francis Poulenc a composé une musique sur les paroles de ce poème.